Dans la lutte technologique et commerciale qui oppose Boeing et Airbus depuis des décennies, le constructeur américain vient de prendre plusieurs coups qui l’ont ébranlé. Cela va bien au-delà de la crise qui a frappé le B737MAX: maintenant qu’elle est résolue, Boeing se retrouve avec quantité d’avions qu’il faut vendre !
Pendant ce temps, Airbus a signé deux coups de maître qui effacent l’échec relatif du merveilleux A380. Le premier en «créant» la famille des A320, monocouloirs qui se déclinent en des versions très souples et adaptées à des marchés multiples, avec l’A321XLR par exemple.
La seconde bonne pioche était d’acquérir chez les Canadiens de Bombardier leur petit monocouloir qui est devenu l’A220. On pourrait encore ajouter d’idée géniale d’ouvrir une usine de montage aux USA, pour permettre aux Américains d’acheter américain…
Et pendant ce temps, Boeing hésitait durant des années à lancer son fameux MMA, Middle of the Market Aircraft, sensé remplacer le B737. En essayent de tenir compte des désirs parfois contradictoires de leurs principaux clients, les concepteurs de Boeing ont finalement renoncé (provisoirement ?) à lancer un nouvel avion, et ont préféré pousser le B737 jusqu’à ses limites extrêmes, avec les conséquences que l’on connaît. Et deuxième erreur: Boeing n’a pas réussi le deal avec les Brésiliens d’Embraer pour acquérir ce qui aurait pu devenir le concurrent de l’A220.
Deux échecs de conception pour l’un, deux réussites pour l’autre. Et maintenant, les effets se font sentir aussi au niveau commercial. Boeing vient de perdre deux clients traditionnels au profit d’Airbus. La compagnie australienne Qantas vient pour la première fois de son histoire de commander 20 A321XLR et 20 A22O, tout en prenant en plus une option pour 94 avions supplémentaires.
De son côté, le groupe Air France-KLM semble changer aussi, en tout cas côté néerlandais. KLM était fidèle à Douglas repris par Boeing, mais la compagnie vient de commander 100 appareils de la famille des A320/321, avec en plus une option pour 60 avions supplémentaires.
Cela doit faire très mal à Boeing. Les mauvaises décisions, les hésitations, l’échec avec Embraer et le drame des B737MAX lui ont fait perdre du temps, de la crédibilité et de l’argent. A cela s’ajoutent encore d’autres éléments, plus techniques: les A320/321Neo sont vraiment plus performants en termes de consommation, d’exploitation et de bruit (celui-ci inférieur de 50% par rapport aux avions de la génération précédente).
Le pilotage avec un stick plutôt que le traditionnel «demi-volant» chez Boeing semble être la préférence des pilotes. Et pour les exploitants, le fait d’avoir des cockpits quasiment identiques d’une version à l’autre de la série Airbus est un avantage certain lors de la formation des pilotes et pour leur flexibilité. Avantage Airbus, donc, et ce sera pour longtemps !
Parce que, même si Boeing se décidait à produire un MMA, se poserait alors la question du carburant et de la motorisation : ne vaut-il pas mieux miser sur une toute nouvelle technologie ? Cela prendra entre 10 et 20 ans ! Boeing n’est pourtant pas encore mort. Les chevaux de bataille sont le B787, même s’il a aussi quelques problèmes techniques, et surtout le gros B777, très performant et qui continue à très bien se vendre, au détriment de l’A380, bien plus coûteux à l’exploitation.