La 161e vente aux enchères caritatives des Hospices de Beaune, dans l’est de la France, considérée comme un baromètre international pour le marché des vins de prestige, a connu un vent de folie dimanche, avec des prix record pour une récolte historiquement faible.
« Absolument hallucinant », a résumé François Poher, le directeur des Hospices civils, en annonçant un résultat partiel de 11,67 millions d’euros (hors frais) à la fin des enchères caritatives, les plus anciennes et les plus célèbres du monde. Au final, le total dépassera donc la vente de l’an dernier, avec presque deux fois moins de lots.
Le clou des enchères, la « Pièce de Charité », ou « Pièce du Président », un fût de Corton Renardes Grand Cru, est parti à 800.000 euros (hors frais), contre 660.000 l’an dernier, et bien loin du précédent record, 480.000 euros en 2015, grand millésime. « Cela, c’est un vrai chiffre! C’est historique », a lancé l’acteur français Pio Marmai, qui a animé la séance comme un bonimenteur professionnel aux côtés de l’actrice Jeanne Balibar.
Cette année, le bénéfice est destiné à « Solidarité Femmes » un réseau associatif d’aide aux victimes de violences conjugales, et à l’Institut Curie, pour la recherche contre le cancer du sein. C’est Oenogroup, une société basée à Londres et spécialisée dans les vins rares, qui a remporté la mise.
Avec une récolte réduite presque de moitié du fait des caprices de la météo, seulement 349 « pièces » de primeurs rouge et blanc, des fûts de 228 litres correspondant à 288 bouteilles, étaient proposées aux acquéreurs, contre 630 l’an dernier. « Ce millésime 2021 est à l’image d’une année marquée par un environnement hostile et à la fin par la fierté d’avoir surmonté les difficultés », selon le directeur des Hospices.
Le domaine, qui réunit sur 60 hectares les plus grands crus de Bourgogne (Pommard, Volnay, Meursault, Chassagne-Montrachet, Corton, Pouilly-Fuissé, Mazis-Chambertin…), a vu ses rendements baisser « à 14 hl/ha, contre 30-35 d’habitude », comme l’a précisé la régisseuse Ludivine Griveau.
« Les prix vont monter », avait prédit Hans Berchtold, un restaurateur suisse venu déguster les crus à la cuverie des Hospices. Cette année, ce professionnel de Bâle a renoncé à enchérir seul comme il le fait depuis huit ans, pour s’associer avec « deux ou trois copains » et passer par un courtier dans l’espoir d’acquérir un des lots, dans l’idéal « un Volnay ou un Pommard ». Mais les offres se sont envolées dès le début de la vente. Les premiers lots, traditionnellement des Beaune Premier Cru, Cuvée des Dames Hospitalières – du nom des religieuses qui s’occupèrent des malades dès la fondation des Hospices en 1443 -, sont partis entre 17.000 et 18.000 euros (hors frais), contre un prix moyen de 9.680 euros en 2020.
« C’est un carton »
« C’est un carton pour nous! » commente un badaud au milieu de la foule massée devant l’écran géant installé près de la halle où ont afflué quelque 500 enchérisseurs, concurrencés par des clients à distance représentés par des courtiers accrochés à leur téléphone, parmi lesquels le président de Sotheby’s France, Mario Tavella. La maison américaine Sotheby’s a repris cette année les enchères tenues depuis 2005 par sa concurrente britannique Christie’s dans le but de développer son marché des vins en France.
En 2020, les 630 pièces adjugées avaient rapporté un total de 13,4 millions d’euros (sans frais), soit une moyenne d’environ 20.200 euros le tonneau. Il y a quinze ans, le prix moyen était de 4.803 euros. Les bénéfices sont destinés à l’entretien du patrimoine et à la modernisation des équipements hospitaliers de cette institution du coeur de la Bourgogne.
Au-delà de leur aspect caritatif, les enchères de Beaune sont considérées par les experts comme un indicateur de prix pour les crus de Bourgogne. « On n’a jamais vendu autant de bons vins et produit aussi peu », avait déclaré avant la vente Frédéric Drouhin, le président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). Le volume attendu pour le millésime 2021 sera de 900.000 à 950.000 hectolitres, contre 1,56 million en 2020.
(Avec AFP)