L’ancien président de la République française Jacques Chirac disait que les emmerdes ne venaient jamais seules, elles avaient tendance, disait-il, à venir en escadrille.
Il avait hélas raison, alors que le sujet principal des médias reste l’assouplissement des conditions sanitaires et l’ouverture ou non de l’Horeca le 1er mai, les entreprises, elles, ont bien d’autres soucis en tête.
Et notamment de savoir quand est-ce qu’elles vont recevoir leurs commandes ? Car c’est le grand sujet du moment, les stocks des entreprises sont au plus bas et des tas de produits ne sont aujourd’hui plus disponibles sauf après un très long délai.
Il n’y a par exemple plus de dérailleur pour les vélos, les fabricants de papier toilette sont en danger de rupture de stock, car il n’y a plus de pâte à papier. Des constructeurs automobiles comme Ford ou General Motors ont peur l’un de perdre 2.5 milliards à cause d’une pénurie de semi-conducteurs et l’autre de devoir licencier 10.000 personnes dans ses usines mondiales à cause de la même pénurie de semi-conducteurs.
Je rappelle que les semi-conducteurs sont des composants électroniques de la taille d’un grain de sable qui font aujourd’hui cruellement défaut et qui expliquent les retards de livraison dans le secteur de l’automobile, mais aussi de l’électroménager.
Normal, comment une voiture peut-elle sortir de l’usine s’il manque une seule pièce, fut-elle très petite ? Impossible bien sûr ! La faute à qui tout ça ? En partie à pas de chance. Quand la crise du COVID-19 a éclaté les entreprises n’avaient plus de visibilité, elles ont posé un genou à terre et pour éviter des problèmes de trésorerie, la plupart d’entre elles ont arrêté leurs commandes.
Même quand la reprise économique a démarré, beaucoup d’entreprises ont préféré puiser dans leur stock en attendant de voir plus clair. Maintenant que le retour à la normale est à l’horizon, ces retards à l’allumage et puis aussi cette manie d’avoir zéro stock en entreprise pour diminuer les coûts se paie au prix fort.
En fait, c’est le client qui le paie par des retards de livraison et souvent aussi par des hausses de prix. Aujourd’hui, nous subissons ces problèmes de stock et de pénurie des semi-conducteurs. Hier encore, c’était le blocage du canal de Suez qui nous a rappelé cruellement qu’un seul porte-conteneurs pouvait faire dérailler la mondialisation. Avant-hier, c’était l’absence de simples masques qui nous avait rappelé que la protection de notre capital santé était à la merci de fabricants en Asie.
Tous ces revers de fortune montrent que l’Occident a perdu sans s’en rendre compte sa souveraineté économique. Pourtant, nous sommes comme ces religieux byzantins occupés à discuter de la question théologique du sexe des anges, alors que les forces ennemies de l’époque étaient aux portes de Constantinople.
Cet épisode est remplacé aujourd’hui par cette triste querelle de préséance entre Charles Michel et Ursula Von der Leyen. La maladresse épaisse de Charles Michel ne doit pas masquer le vrai débat : la souveraineté industrielle de l’Europe a fichu le camp et nous sommes juste priés de regarder le film se dérouler sans nous.