Sur l’île de Bornéo, enclavé dans le Sarawak, lui-même associé à l’État malais, le Brunei est un petit sultanat indépendant faisons partie du Commonwealth britannique. À peine plus grand que notre province de Luxembourg, il compte environ 400.000 habitants. C’est une monarchie de pouvoir absolu et islamique, ce qui n’empêche pas l’histoire que je vais vous conter.
Il y a des cela une vingtaine d’années, mon fils et deux de ses amis décident de faire une escapade à Londres, avec l’intention de côtoyer la jet-set. Ils se mettent sur leur trente-et-un et se rendent dans un restaurant huppé, choisissent un menu ainsi qu’une bouteille de vin de prix… abordable pour eux.
Le sommelier arrive avec une bouteille différente de celle commandée, et les jeunes lui font remarquer que ce n’est pas ce qu’ils désiraient et qu’ils ne pourraient se payer une telle bouteille. Le maître d’hôtel leur désigne alors une joyeuse tablée au fond du restaurant, en précisant que la bouteille était offerte par la jeune dame au centre de la table.
À la fin du repas, la dame les invite à se joindre à eux : elle explique qu’elle a été charmée par ces très jeunes hommes élégants, qui avaient pris la peine de porter une cravate pour venir dans cet endroit sélect. Elle se présente comme la fille du Sultan de Brunéi. Ensuite elle les a emmenés dans la boîte de nuit la plus inaccessible de Londres, a pris tous les frais à sa chargez, et a proposé de les reconduire en Belgique dans son avion privé.
Je ne pouvais manquer de vous raconter cette petite aventure familiale en écrivant sur le Sultanat de Brunei. Mais revenons à nos moutons. Ou plutôt à nos nasiques, nos pangolins, nos varans, nos gibbons ou nos petits ours, toute cette aimable faune de la région : c’est, en dehors du pétrole, la seule richesse du pays, qui compte bien protéger ces espèces exceptionnelles dans des parcs et réserves pour attirer les touristes.
Grâce au pétrole, exploité depuis 1929, le pays ne dépend pas comme son voisin le Sarawak de l’exportation de bois rares, et de ce fait, son territoire est encore couvert à 75% par la forêt tropicale.
Un mot d’histoire ? Le Brunei fur une sorte de puissance régionale aux alentours de l’an Mil, étendant son influence jusqu’en Chine et surtout sur l’archipel philippin. Mais dès la Renaissance et les grandes explorations européennes, il connaît un déclin et se fait occuper par des comptoirs commerciaux portugais, espagnols et britanniques, avant de passer carrément sous protectorat de la Couronne. Le Brunéi accède à l’autonomie en 1959, puis à l’indépendance en 1984. Le sultan avait déjà dès 1962 aboli la constitution pour gouverner à sa guise, et en 2013, il instaure la charia pure et dure. C’est ainsi que le vol est puni de l’amputation de la main, la consommation d’alcool de la flagellation, et l’homosexualité de mort par lapidation. Un vrai paradis, en somme. Même la fête de Noël y est interdite, alors que les Musulmans la fêtent largement dans le reste du monde.
La conséquence pour le tourisme est importante. Non seulement de larges franges de la population ne sont pas admises sur le territoire du sultanat, mais de grands noms de la politique et des affaires, tel que Richard Branson, propriétaire de Virgin, ont déclaré publiquement qu’ils boycotteraient les places, propriétés du sultan. Parmi eux, on trouve le Bel-Air et le Beverly Hills Hotel de Los Angeles, le Meurice et la Plaza Athénée de Paris, ou encore toute la chaine Dorchester en Grande-Bretagne.
Les rela tions commerciale se font surtout avec le Japon et la Chine, la France y vend quelques Airbus tandis que le Brunéi vend son pétrole et son gaz naturel. Tout n’est pourtant pas à jeter. Les femmes, par exemple, occupent au moins un tiers de postes à responsabilité dans ce pays très riche.
Une dette nationale de 4% (comparée à la nôtre de 104%), un revenu moyen par habitant très élevé, placent le pays dans le top 30 mondial, et c’est l’un des pays d’Asie où l’on vit le mieux. Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de pauvres ! 60.000 Indonésiens travaillent dans le pays, parfois dans des conditions « limites ». Mais les logements sont largement subventionnés et les soins comme les écoles et universités sont gratuits. Et l’impôt n’y existe pas !
Un mot aussi sur la langue, essayez de suivre : dans le groupe des langues austronésiennes, il y a une branche malayo-polynésienne ; dans cette branche existe un sous-groupe des langues malaïques, parmi lesquelles le malais ; et dans ce sous-groupe malais il y a le malais de Brunéi. Mais l’anglais est largement parlé, c’est évidemment la langue des échanges commerciaux, le chinois mandarin est utile dans les relations avec la Chine, et l’arabe est la langue de la religion, parlé par environ 10% de la population.
Espérons que cet article ne nous vaudra pas les foudres d’un Etat où la critique du gouvernement est passible de prison, de même pour les journalistes coupables d’articles malveillants à l’égard du régime. Mais je n’ai pas été trop malveillant et je ne suis pas sûr que PagTour soit beaucoup lu au Brunéi…