Quoi qu’on pense de la maladie, qui ne serait responsable que d’un infime pourcentage des décès, quoi qu’on pense, aussi, de la manière dont les gouvernements affrontent la pandémie, le fait est qu’il faudra désormais montrer patte blanche pour monter dans un avion, voire s’attabler dans un restaurant. Autant dire que la mise en place d’un « passeport santé », condition sine qua non à la reprise du tourisme, représentera un marché juteux.
La méthode chinoise
Dès novembre 2020, à l’occasion d’un G20 virtuel, le président chinois Xi Jiping, avait proposé d’utiliser un système de QR Code pour faciliter la reprise des déplacements transfrontaliers malgré la pandémie, tout en permettant un meilleur suivi, au niveau international, des résultats de dépistage effectués sur des voyageurs.
C’est en tous cas la méthode retenue, en Chine, depuis février 2020 pour suivre l’état de santé des citoyens et leurs dossiers de voyage. Pour l’heure aucun Etat n’a cependant déclaré prendre part à ce dispositif.
Une « identité souveraine » numérique
L’idée d’un « passeport de santé » pour le secteur aérien, sur lequel travaillent déjà certains acteurs de l’industrie comme Amadeus, a été lancée par l’IATA elle-même, un peu inspirée par SITA, la société — d’origine belge — spécialisée dans la gestion des transactions dans les aéroports.
Elle travaille avec les gouvernements, les compagnies aériennes et les aéroports mais s’implique aussi dans la Fondation Sovrin, qui cherche à transformer l’actuel système d’identité en ligne, exposé aux abus et aux fraudes, par la mise en place d’une « identité souveraine » numérique.
L’identité souveraine est une forme d’identité numérique dans laquelle l’utilisateur possède a à tout moment le contrôle total et souverain de ses données, stockées dans un format cryptographique protégé par cryptographie asymétrique. Ce niveau de contrôle est la principale différence avec les systèmes d’identité numérique centralisés ou fédérés.
Au-delà des besoins du secteur
Cette initiative irait bien au-delà des besoins du secteur aéroportuaire. Elle devrait permettre de réduire les coûts des transactions financières, protéger les informations personnelles des voyageurs, limiter les risques de piratage et de simplifier les problèmes d’identité dans divers domaines comme les voyages, les soins de santé, la banque mais aussi combattre la fraude électorale. Un projet dans lequel SITA souhaite s’impliquer davantage.
Un parcours accéléré
Mais d’autres solutions sont en chantier. Ainsi, la société irlandaise Daon, spécialisée dans la vérification d’identité, a développé un passeport santé mobile baptisé VeriFLY, qui permet de regrouper en un seul endroit les documents nécessaires pour être autorisé à voyager, comme par exemple les résultats des tests de dépistage, et d’emprunter un parcours accéléré avec des comptoirs d’enregistrement dédiés.
Déjà adoptée par American Airlines et British Airways, la solution pourrait être étendue aux secteurs de l’hôtellerie, de l’enseignement et de l’événementiel.
Un QR code amélioré, réputé inviolable
Le V-Health Passport, mis au point par la société britannique VST Enterprises, permet de s’identifier et de partager les résultats de ses tests Covid et vaccinations. Les informations sont partagées via un V-Code « hautement sécurisé », sorte de QR code amélioré et réputé inviolable.
La technologie respecte le RGPD (règlement sur la protection des données) et l’utilisateur choisit les informations qu’il accepte de partager. VSTE affirme que son passeport est le plus sécurisé au monde et qu’il pourra être utilisé pour les futures pandémies !
Le « passeport d’immunité » israélien
La société israélienne Pangea, spécialisée dans la création et la gestion d’identités numériques, réfléchit actuellement à la mise en place d’un protocole sanitaire reposant sur un « passeport d’immunité » pour permettre aux touristes de circuler dans les aéroports du monde entier.
Sa solution globale permettrait aux gouvernements d’émettre une carte à puce biométrique faisant office de « passeport d’immunité », autorisant son détenteur à entrer dans les terminaux des aéroports et les avions tout en éliminant la crainte de propager le virus à d’autres personnes.
Ce « passeport » d’immunité permettrait de créer des zones stériles où il n’y aurait aucun risque d’infection et où des milliers de personnes se sentiraient en sécurité pour mener toute activité sans crainte.
Si le dispositif s’avère concluant, Pangea envisage de transformer par la suite cette carte à puce COVID-19 en véritable « passeport médical » complet permettant à l’ensemble du réseau de prestataires de soins de santé, y compris les ambulances, les services d’urgence médicale, les services hospitaliers et autres organisations concernées, de consulter toutes les informations médicales du détenteur de la carte.
Une ambition forte, mais qui pose question en matière de respect de la vie privée et remet en cause le droit au voyage, mais aussi inquiétante si l’on tient compte des nombreuses failles de cybersécurité que présente un tel projet.
Vers des choix différents
Les industries concernées se frottent déjà les mains à la perspective de les fournir ces nouveaux services. Mais dans tous les cas, il sera difficile pour quelque système que ce soit de se voir implémenté dans les aéroports sans le soutien d’un gouvernement ou d’une institution de santé nationale voire internationale. Sans parler des autres secteurs de l’activité économique…
A l’instar de ce qui s’est passé lors de l’introduction de technologies comme la télévision analogique, avec quatre grands standards dans le monde, ou de la norme vidéotex, qui en présentait tout autant, il faut s’attendre à ce que les États fassent des choix différents et, bien entendu, incompatibles, tout au moins dans un premier temps.
Et après la cacophonie des vaccins, il y a quelque doute sur la capacité de l’Europe à se mettre d’accord sur les choix d’un système unique dans l’Union.
[Source : Tom.travel]