Les cimetières qui hébergent pour l’éternité les célébrités ne désemplissent jamais. Chaque jour, les touristes fleurissent d’illustres tombes. Se retrouver face à sa mythologie contemporaine est un privilège. On s’est baladé à Paris.
Ce mardi, c’est la Toussaint, la fête de tous les Saints. Une fête qui amène beaucoup de monde dans les cimetières. Et pas seulement le 1er novembre, mais les jours qui précèdent. Là, on va sur la tombe d’un proche y déposer un chrysanthème ou plutôt une bruyère, plus au goût du jour ces derniers temps.
Souvent les visiteurs de la Toussaint ne quittent pas le cimetière par le chemin le plus court, mais préfèrent une petite balade. Ils aiguisent ainsi leur curiosité. Ici, un nom gravé dans la pierre jadis connu mais déjà rongé par l’oubli, là un nouveau médaillon qui apprend le décès d’une connaissance, un peu plus loin une épitaphe. Et mille raisons d’être touché au cœur.
En dehors de cette période, certains cimetières sont aussi des lieux de promenade, prisés par de curieux visiteurs. Des passionnés des tombes d’hommes célèbres. Beaucoup s’étonnent d’un tel intérêt. Dans ces cas-ci, s’agit-il seulement d’un hommage à une personnalité ? Ou une manière de se convaincre que même les plus grands meurent eux aussi?
Le panthéon
Ainsi discuter avec Victor Hugo, Alexandre Dumas et Emile Zola du dernier prix Nobel de littérature décerné à Bob Dylan est possible. Ne sourirez pas, tout ça est bien faisable en vous rendant au Panthéon.
Mieux évoquer avec Pierre et Marie Curie le prix Nobel de chimie 2016 attribué au Français Jean-Pierre Sauvage, au Britannique J. Fraser Stoddart, et au Néerlandais Bernard L. Feringa est tout aussi possible. Sachez que la physicienne d’origine polonaise fut la première femme à connaître l’honneur d’une panthéonisation.
Tout est donc faisable, ce n’est qu’une question de temps car il n’est pas permis de passer devant le caveau de Voltaire et celui de Rousseau sans s’arrêter. Impensable de ne pas s’incliner devant Jean Moulin, Jean Jaurès ou l’abbé Henri Grégoire, qui fit voter l’abolition de l’esclavage.
Les hommes de Georges Sand
Vous avouerez que pour le plus commun des mortels, ça compte. Comme quoi, la comédie des hommes semble se poursuivre dans les cimetières. Pas étonnant que Balzac ait donné ses lettres de noblesse au Père-Lachaise.
Là dans le cimetière le plus célèbre, c’est impressionnant de faire face à la môme Piaf tout en sachant que vous êtes surveillé par Modigliani. Que dire de la grille qui entoure le bout de terre de Pierre Desproges.
Pas très loin de là, vous pouvez lire la célèbre épitaphe d’Alfred de Musset s’exclamer: « Mes chers amis, quand je mourrai, plantez un saule au cimetière, j’aime son feuillage éploré, la pâleur m’en est douce et chère… »
L’ex-amant de Georges Sand ignorait que les saules dépérissent au bas du Père-Lachaise. Un autre amant de la femme-écrivain repose aussi au Père-Lachaise : Frédéric Chopin.
Vous conviendrez que pour tailler une bavette avec toutes les personnes pour lesquelles vous avez un peu d’admiration, plusieurs jours ne suffiraient pas. Juste pour le plaisir, peut-on éviter Oscar Wilde ? Et en tant que Belge, marquer le pas devant Zénobe Gramme, l’inventeur de la dynamo, ou devant le musicien André Grétry, sont des passages obligés.
Age tendre et tête de bois
Quittons le Père-Lachaise pour le cimetière de Montmartre, où quelques célébrités se sont donné rendez-vous. Dès notre arrivée, nous sommes accueillis par Sacha Guitry en personne. Un peu plus loin, on croit voir Louis Jouvet s’entendre hurler : ‘ Atmosphère, atmosphère…’
Mais plus encore qu’ailleurs, c’est dans ce cimetière qu’en fermant les yeux, on peut entendre un concert des stars des années 80′, du genre « Age tendre et tête de bois » … d’abord avec Fred Chichin, le chanteur des Rita Mitsouko, ensuite avec Dalida, et enfin avec Michel Berger (photo ci-contre), sous l’œil admiratif du Dinantais Adolphe Sax.
Une jam
Enfin, le cimetière de Montparnasse, la troisième principale nécropole de la capitale française. Depuis l’ouverture en 1824, tant d’artistes ont peuplé les divisions.
Observons que les prestigieux locataires montparnassiens sont discrets, il faut souvent les débusquer au milieu des anonymes.
Eh oui, investis du plus grand des mystères, les cimetières possèdent souvent un charme étrange, révélant la douleur et l’irrémédiable, dévoilant la vanité des choses, mais enseignant aussi la sagesse.
À tel point qu’à Montparnasse, vous imaginez les yeux qui se cachent derrière les grosses lunettes de Jean-Paul Sartre ou le frétillement des moustaches de Maupassant, lorsque Reggiani fait une jam avec Joëlle et Gainsbourg sur ‘Ecce homo’…