Si la Moldavie, coincée entre Ukraine et Roumaine, a déjà eu toutes les peines du monde à se faire reconnaître comme État indépendant, ce fut encore plus difficile pour la Transnistrie, une étroite bande de terre entre la Moldavie et l’Ukraine. Osons le dire tout de suite: il s’agit d’une sorte d’État-voyou autoproclamé, spécialisé dans le blanchiment d’argent, le commerce illicite d’armes, le trafic d’êtres humains, etc.
On se croirait encore dans les pires coins de l’U.R.S.S., et d’ailleurs le drapeau transnistrien est toujours le pavillon rouge frappé dans le coin du marteau et de la faucille, avec juste une large bande horizontale vert par le milieu. Et sur les bâtiments publics de Tiraspol, la capitale, c’est toujours Lénine qui veille de son regard perçant.
Une bande de terre, disais-je, qui complète le fleuve Dniestr qui fait frontière avec la Moldavie ; une situation que la Russie s’empresse de cautionner, pour ennuyer l’Ukraine, évidemment.
D’ailleurs les Transnistriens revendiquent une nationalité russe, alors qu’ils sont à près de 500 km du pays. Mais depuis des siècles, les fertiles jardins le long du fleuve envoyaient les produits frais directement à Moscou.
Le pouvoir local est détenu par un groupe, une institution si l’on veut, qui a pris le curieux nom de Sheriff. L’important pour ce groupe est de naviguer entre chaos politique et prospérité économique. Sheriff est une entreprise privée qui tente la transition entre socialisme et capitalisme.
Sheriff possède entre autres les stations-services et contrôle par conséquent le transport ; Sheriff possède les grands magasins et la téléphonie mobile locale ; et pour faire bonne mesure, l’organisation possède aussi le club de foot FC Sheriff Tiraspol ; le pain et les jeux.
Si vous habitez en Transnistrie, vous travaillez quasi automatiquement pour Sheriff. Et qui n’est pas pour Sheriff est contre Sheriff. Vous ne serez pas étonnés d’apprendre que cette « société » a été fondée par d’anciens agents de la sécurité nationale (sous-entendu : Russe, donc d’anciens du KGB, le service qui connaissait tout sur tout le monde dans l’ancien empire soviétique.)
La Transnistrie n’est reconnue que par d’autres États non-reconnus par l’ONU, et ne doit son existence qu’à la protection russe. Le demi-million d’habitants réclame son rattachement à la Russie, malgré l’éloignement. Le pays posséderait plus de 20.000 tonnes d’armes, laissées en plan lors du retrait de la 14e armée russe à la chute de l’URSS.
C’est le plus gros dépôt au monde dans lequel tous les groupes terroristes, révolutionnaires ou indépendantistes du monde viennent s’approvisionner, sans compter la pègre classique, qui passerait presque pour débonnaire.
Ne croyez pas que le tourisme est inexistant dans le pays. Si vous faites comme moi lorsque je tentais de dénicher ces destinations improbables, vous pourrez aller sur « Transnistrie tourisme » et voir une cinquantaine d’idées de visites et excursions.
Je ne dirai pas qu’elles m’ont parues exceptionnelles, mais en tout cas curieuses, et je me demande même si je n’irais pas, avec l’un de mes lecteurs assidus, y goûter le vin rouge dont les Transnistriens font grand cas !