Le nom de cette île yéménite sonne un peu comme celui d’une entreprise des travaux publics. Nous sommes bien au Yémen, en effet, mais loin du Yémen : à 350 km pour être précis ; et aussi à 230 km de la côte africaine de Somalie. Elle est revendiquée par la Somalie du fait de son histoire, de sa distance et de sa population.
Les activités principales sont la pêche et l’élevage de bovins et de chèvres. Le climat ne permet que la culture de dattes, d’aromates et d’un peu de tabac. Les principaux produits commerciaux sont le ghî, du beurre clarifié, l’aloès et l’encens. Récemment, le tourisme a pris un peu d’importance.
Grâce à la présence de quelque 700 espèces uniques au monde, Socotra est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco comme réserve de biosphère.
Une légende phénicienne prétendait que le Phénix habitait l’île, et que tous les 500 ans il volait de Socotra à Héliopolis, pour se consumer au feu sacré et en ressortir à nouveau jeune pour 500 ans.
Au premier siècle de notre ère, l’île est habitée pas des chrétiens nestoriens, quelques Arabes, Grecs et Indiens, tous pêcheurs et marins. La Tradition veut que saint Thomas en route pour aller évangéliser l’Inde ait fait naufrage aux abords de Socotra. Au 6e siècle, les Byzantins qui voulaient commercer avec les chrétiens du Kerala, en Inde, passaient par Socotra pour contourner l’empire Perse, leur ennemi. Et finalement au 10e siècle, l’île se convertit à l’Islam.
Le Portugal y installe un comptoir commercial au 16e siècle, qui se livrait surtout au piratage contre les boutres des marchands arabes. Ensuite ce sont les Anglais qui en prennent possession pour l’intégrer au protectorat d’Aden jusqu’en 1967. L’île fait ensuite partie de la République démocratique populaire du Yémen et est occupée par les Russes durant la guerre froide.
La guerre civile affaiblit la position des Yéménites, et petit à petit, les Emirati investissent l’île, jusqu’à l’occuper militairement en 2018. Enfin depuis 2020, un régiment yéménite de Socotra rejoint le mouvement séparatiste du Sud-Yémen, soutenu par les Emirats, contre le gouvernement yéménite soutenu par l’ONU. Pas simple, tout cela.
Comme si cela ne suffisait pas, le climat n’est pas des plus agréables. La mousson d’été, de mai à septembre, n’apporte aucune pluie mais des vents violents qui soulèvent la poussière. C’est la mousson d’hiver, de novembre à mars, qui amène les pluies, en averses parfois violentes, suivies par la belle saison de l’île, au mois d’avril.
Ce qui est unique à Socotra, c’est la biodiversité, avec 700 espèces endémiques, plantes et animaux. La plus spectaculaire est le fameux dragonnier de Socotra, qui ressemble à un parasol ouvert. Il porte ce nom parce que sa sève est rouge, et une légende prétend que c’est du sang de dragon. On trouve aussi de l’aloès, très recherché en cosmétique et en pharmacie.
Les animaux endémiques de l’île sont surtout des oiseaux : des bruants, des moineaux, des gros-becs de variétés purement locales. Les reptiles sont représentés par une trentaine d’espèces parmi lesquelles un lézard sans pattes et un caméléon. Les seuls mammifères endémiques sont les chauves-souris.
C’est semble-t-il tout ce qu’il reste d’une faune jadis bien plus abondante, qui comptait des crocodiles et des buffles, par exemples. Les chèvres, très destructrices, ont pris leur place ; quant aux hommes, ils ont exploité tout le bois pour se chauffer, ce qui explique la forte déforestation de l’île.
Malgré cet attrait pour les botanistes et les biologistes, il n’est pas vraiment recommandé de passer ses vacances à Socotra, à cause essentiellement du régime politique très instable, et aussi du climat et de l’absence d’infrastructures touristique. Mais on pourra toujours compter sur les traditions, notamment celle de l’obligation de l’hospitalité. Alors, si vous y allez, bonne chance !
Prochaine destination : Timor-Leste