Frappé par deux attentats au Bardo et à Sousse, qui ont fait respectivement 24 et 39 morts en 2015, le tourisme tunisien subit l’avis négatif émis par plusieurs pays occidentaux quant à la sécurité de la destination. Si cette interdiction semble excessive face au bilan égyptien, turc, belge ou français, nous avons pu constater sur place l’effort important qui y a été réalisé en matière de sécurité.
Des portiques ont été installés à l’entrée des grands hôtels et les plages sont gardées de jour comme de nuit. Pas moins de 1500 gardiens ont été embauchés pour parer à d’éventuels nouveaux attentats. Dans les villes et sur les routes, les contrôles sont réguliers et constants. Des caméras ont été installées. Le tout, pour regagner la confiance des touristes dont le nombre a chuté de plus de 70 p.c.
Cette réalité ne doit cependant pas cacher l’effort immense que doit encore réaliser le pays dans d’autres domaines. Essai d’explication point par point.
La pollution plastique : un défi immense
Du nord au sud, l’Afrique s’est transformée en une immense décharge plastique à ciel ouvert. Si certains pays ont déclaré la guerre à ce fléau depuis quelques années, la situation en Tunisie est catastrophique. Sur les plages ou dans le centre, la pollution est partout.
Ici, la situation s’est empirée depuis le départ de Ben Ali. Les déchets n’ont plus été ramassés pendant de nombreux mois et des décharges sont apparues spontanément aux quatre coins des villes et villages. Pour d’aucuns, l’environnement semble être la première victime de la révolution.
Face à ce problème récurrent, Les Tunisiens ont pris l’habitude de brûler leurs déchets, rajoutant une pollution à une autre.
Côté mer, le pays a la chance de bénéficier de courants maritimes. Ils envoient les ordures au loin en conservant cette eau azur qui caractérise la destination. La problématique est seulement déplacée et de nombreuses espèces marines subissent ce chaos environnemental.
Dans ce contexte, le pays a décidé d’une mesure visant l’interdiction des sacs plastiques. Une loi progressive qui devrait rentrer en vigueur dès mars 2017. Des mesures tardives mais nécessaires qui produiront des effets à condition que le peuple soit éduqué à la chose. Les Tunisiens semblent en effet peu impliqués dans ces défis environnementaux.
Une signalisation touristique défaillante
Le touriste qui souhaite traverser la Tunisie par ses propres moyens aura intérêt de à s’armer d’une bonne carte ou d’un GPS : les panneaux sont presque inexistants. Les sites touristiques sont rarement indiqués et les infrastructures routières sont à inventer. Il n’y a par exemple pas d’aire de repos ou de WC publiques.
Cette problématique n’impacte pas le touriste all in, habitué à voyager dans un bus climatisé. Néanmoins, elle pourra s’avérer handicapante pour ceux, toujours plus nombreux, qui souhaitent arpenter le pays par leurs propres moyens. Qu’ils soient randonneurs ou pilotes de 4×4, ces visiteurs–là semblent oubliés des autorités.
Une compagnie aérienne omnipotente
Décrié par les Tunisiens eux-mêmes, l’aviateur national est un des problèmes que subit le tourisme sur place. Tunisair ne supporte pas la concurrence et certains aéroports de l’Etat sont mal desservis.
Ici, les déplacements en avion sont anormalement chers et la vétusté de la flotte est un fait incontestable. Dernièrement, Ryanair a jeté l’éponge après de nombreuses négociations infructueuses. Dans le contexte de crise actuel, les hôteliers sont invités, seuls, à se serrer la ceinture.
Il est grand temps que la Tunisie libéralise son marché et que tous les aéroports, tels Tabarka, soient enfin correctement reliés
Depuis le désintérêt de TUI et Thomas Cook, il n’y quasi plus que des avions rouges et blancs sur les tarmacs du pays. Alors que le Maroc a vu son tourisme doubler depuis la libéralisation de son marché, la Tunisie assiste depuis des années à une chute significative de son nombre de visiteurs. Rien que pour les trois premiers mois de 2015, le pays a connu une baisse de 220.000 visiteurs comparativement à 2010.
Une tarification dépassée
La nuitée hôtelière est facturée par personne et non pas par chambre. Ici, ce sont les hôteliers qui freinent des quatre fers pour un changement dans le domaine. Si ce mode de tarification leur profite indubitablement, il n’avantage pas la destination et les petites entités.
Néanmoins, les hôtels bradent actuellement leurs prix. De grands groupes vendent la nuitée à moins de 20 euros aux grands TO. Des chambres normalement affichées à 130 euros par personne en demi–pension…
Une politique touristique peu innovante
Des efforts sont apparus depuis 2015. Nous devons cependant constater que le pays à vécu des décennies sur des acquis vieillissants. La destination compte un nombre impressionnant de sites qui ne sont pas mis en avant. Des régions entières ne bénéficient pas de la manne touristique.
Des villes, pourvues pourtant d’aéroports internationaux et de sites archéologiques de premier ordre, sont boudées par la compagnie nationale. Les grands TO ont mis la main sur le pays et s’en sont retirés au lendemain des attentats sans que les professionnels turcs ne s’en émeuvent.
A titre d’exemple, nous rappellerons que trois trois jours après les attentats du Bardo, un représentant du SNAV (syndicat français des agences de voyages) venait à Tunis pour annoncer une baisse de 50 pct des réservations. Les voyagistes tunisiens n’ont pas réagi, prenant acte de la décision. Le FTAV (fédération tunisienne des agences de voyage) se fendra d’une incroyable proposition : l’octroi de crédits de loisirs aux Tunisiens pour soutenir l’activité.
A ce jour, le territoire offre peu d’alternatives au tourisme all in. Et le pays a assisté, abasourdi, à la défection de ses touristes sans prendre de mesures profondes.
La tâche de la ministre du Tourisme, Salma Elloumi Rekik, est immense. Si des efforts importants ont été réalisés, ceux-ci n’ont guère été récompensés que par une hausse du tourisme domestique et par l’arrivée des touristes russes.
(à suivre)