Avec son relief tourmenté où cassures et failles ont même livré passage à des épanchements volcaniques, avec ses côtes découpées qui abritent de petites criques où dans un murmure d’écume, la mer embrasse sans relâche des plages dorées, le pays de Gérone alterne villages de montagne et villages de pêcheurs, villages médiévaux et villages de charmes, à découvrir sur les traces de Salvador Dalí qui a alimenté ici tous ses fantasmes.
Au-delà des Pyrénées s’étend la Catalogne, une des provinces espagnoles les plus prisées par les touristes frileux en mal de soleil, de calanques et de flots bleus.
S’il est vrai que certains villages de pêche s’étaient reconvertis en ghettos, distribués en quartiers colonisés par des Allemands, des Anglais ou des Belges, le coronavirus a bien changé la donne et la plupart ont retrouvé leur authenticité. Il en est ainsi, au nord de Barcelone, à l’extrême ouest de la Catalogne, une région tout à fait inattendue pour la diversité contrastée des paysages qui s’y succèdent.
La Costa Brava, un rêve balnéaire
Avec un système montagneux qui tombe en falaises abruptes dans la Méditerranée, sa façade maritime offre un visage tellement farouche qu’elle y a gagné son surnom de Costa Brava, à l’image du somptueux toro bravo qui affronte fièrement le toréador assassin. Le liseré côtier se résume à un festival de soleil et d’azur où le ciel et la mer s’épousent joyeusement, d’une plage à l’autre, d’un village de pêcheurs à l’autre.
Cadaques, Rosas, San Feliu, Tossa de Mar, Llafranc, Calella, autant de petites cités balnéaires, les toits au soleil et les pieds dans le sable, bien à l’abri sous le vert manteau des pins qui s’accrochent aux flancs de la montagne. En été, les inconditionnels du farniente envahissent les plages.
En hiver, il y souffle l’air froid de la Tramontane et les calanques abritent d’autres voyageurs, ceux qui tentent de fixer sur une toile les couchers de soleil dans le grand bleu méditerranéen, ou encore ceux qui s’amusent du rituel de la criée quand les pêcheurs, de retour de leur tournée nocturne, vendent des cageots d’anguilles, d’anchois et de merlus encore frétillants sur leur lit de glace.
La route qui relie San Feliu à Tossa de Mar est une des plus spectaculaires de la côte. Calanques et caps rocheux couronnés de pins s’y succèdent. Sinueuse, la route épouse les moindres contours de cette dentelle de pierre.
Formidable sanctuaire d’une nature préservée, elle marie le vert profond des pins et le roux de la terre gorgée de soleil pour découper les contours d’une carte postale dans le bleu d’un ciel laqué sans nuage. Le village fortifié de Tossa domine une vaste baie animée et populaire où s’alignent les barques multicolores qui invitent à une promenade en mer.
Plus tranquille, la vieille ville corsetée d’une enceinte du 12ème siècle, elle-même ponctuée de grosses tours rondes, offre un havre de paix dans ses ruelles tortueuses. On y respire encore le charme unique d’une authentique petite ville catalane médiévale.
Les plus beaux points de vue sur la Costa Brava restent les calanques de Begur et de Palafrugell. Ces deux petites villes fortifiées ne sont pourtant pas en bord de mer car elles ont été fondées à l’intérieur des terres pour échapper aux incessants pillages perpétrés par les pirates qui sillonnaient la Méditerranée au Moyen-Age.
Mais elles sont devenues des bases idéales pour découvrir les plaisirs de la randonnée en bord de mer, le long du Camino de Ronda, un sentier rocailleux escarpé qui relie des criques d’un bleu profond moiré d’émeraude, mais aussi les charmes de l’escapade dans l’arrière-pays.
Le pays de Gérone, la facette la plus verte de la Catalogne
L’arrière-pays s’appuie sur le versant méridional de la chaîne des Pyrénées et il décline toute la gamme du vert. Profond et mystérieux des eaux du lac de Banyoles hérissé sur ses rives de joncs et de roseaux. Tendre et accueillant des champs de maïs et des prés où paissent toute l’année des troupeaux de vaches paisibles. Sombre et volontaire des masses forestières qui se succèdent jusqu’aux sommets des massifs.
Des villages fortifiés, refermés autour des vestiges d’un ancien château, se dispersent dans ce puzzle de vallées enserrées dans la montagne. Telle une sentinelle, Besalú et son étonnant pont romain coudé et fortifié surveillent les voies qui montent de la plaine. Plus loin, le site moyenâgeux de Pals, perché au sommet d’une colline, surplombe un paysage de marécages reconvertis en rizières. Au centre de cette mosaïque, se dresse Gérone.
Sa position exceptionnelle sur une butte au confluent de deux rivières et sur la route qui mène à Barcelone la fit participer depuis toujours à toutes les aventures militaires. Rempart contre les envahisseurs du Nord, elle a développé une enceinte fortifiée dont elle a conservé les vestiges dans ses murailles démantelées et ses tours escaladant les crêtes.
Une superbe ville médiévale à découvrir en musardant le long de ses hautes façades barrées de balcons de bois, dans ses ruelles pavées, étroites et sinueuses, coupées d’escaliers qui se perdent dans des cours obscures. Toute la vie s’articule autour de la cathédrale dressée au sommet d’un escalier monumental de 96 marches.
Le cœur de la cité a jalousement préservé son rythme de vie scandé par les paseos le long de la Rambla de la Llibertad où se concentre la plupart des tavernes. En soirée le dédale de ruelles est envahi par des étudiants joyeux et bruyants qui s’approprient les places et les terrasses, un vrai bonheur pour le touriste séduit par l’authenticité de cette petite ville.
Ce coin de Catalogne, c’est aussi le pays de Salvador Dalí. Il y est né, c’est ici qu’il rencontre sa muse Gala et rompt avec sa famille, c’est encore ici qu’il s’initie à la peinture.
Pour mieux appréhender l’univers délirant de cet homme éclectique et excentrique, doté d’une inépuisable capacité créatrice, il faut emprunter un itinéraire qui passe par Púbol, Portlligat et Figueres. Le château de Púbol fut offert par Dalí à Gala et l’artiste se fit un devoir de n’y pénétrer que s’il était expressément invité par son épouse.
Le vieux palais gothico-renaissance fut restauré et le jardin parsemé de sculptures. C’est à Portlligat, dans un ancien refuge de pêcheurs, qu’il fait la connaissance de Gala. Cette maison, à maintes reprises transformée et agrandie, sera sa résidence permanente.
Figueras abrite un fabuleux théâtre musée conçu de son vivant par Dalí lui-même et il faut le considérer comme un tout, comme son œuvre maîtresse.
Le peintre en a dessiné les moindres détails, cassant sur les trois étages la structure du vieil édifice pour donner libre cours à ses fantasmes. L’extérieur du bâtiment, orné d’un ensemble d’œufs géants et de pains annonce une expérience surréaliste dans le monde unique et fascinant de son créateur.
Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux
Infos pratiques.
Renseignements : Avant de partir en Espagne il vaut mieux vérifier les dernières informations pratiques sur le site www.spain.info. Autres sites pour découvrir Gérone : www.girona.cat, Figueras : www.salvador-dali.org et la Costa Brava : www.fr.costabrava.org
Se loger. La liste des auberges, des maisons d’hôtes et des autels peut être obtenue auprès de l’office du tourisme. A Gérone, rares sont les hôtels au cœur de la vieille ville. Le plus séduisant pour la qualité de sa situation mais aussi de son accueil est le Hotel Ciutat de Girona (www.hotelciutatdegirona.com). Une autre halte, toute en douceur calfeutrée, se trouve à Begur, à l’hôtel Aiguaclara (www.aiguaclara.com) qui tient davantage de la maison d’hôtes établie dans une ancienne maison coloniale, toute imprégnée de saveurs cubaines.
Se nourrir. Tous les restaurants catalans proposent une gamme infinie de poissons et de fruits de mer. Il reste à dénicher la plus jolie terrasse. L’une d’elles, le Tragamar, se trouve à Calella de Palafrugell, au bord de la plage, elle n’est accessible qu’à pied ou en zodiaque mais la saveur de sa paella de mariscos vaut le détour www.tragamar.com .
Il est aussi des spécialités à découvrir, comme la botifarra dolça (saucisse douce de viande de porc, de citron, de cannelle et de sucre), typique de Gérone.
Eh oui, la Vie continue. Bravo Christiane & Charles. Beau et intéressant reportage à la fois, pour entretenir le rêve !
Marc Sprengers