Pour ce premier numéro de 2021, la tradition veut que mon « point final » soit consacré à un thème prospectif. Bref, je me devais de trouver un sujet qui ne soit pas contredit par l’actualité des jours ou des semaines prochaines.
La difficulté du choix n’a pas duré longtemps. Je n’avais qu’à regarder le plateau de la rédaction de Trends-Tendances. Vide ou quasi vide. Comme l’écrivait mon confrère Vincent Beaufils de l’hebdomadaire Challenges, « il n’y a pas plus éligible au télétravail qu’un job de journaliste ». D’où ma question, pourquoi ne l’avions-nous pas fait plus tôt?
Mais si nous continuons de la sorte, ne risque-t-on pas de brider la créativité des journalistes, de déliter ce sentiment d’appartenance à un groupe média (Roularta)?
Et puis, l’éloignement n’est-il pas dangereux pour un bon management? Remplacez « journalistes » par « employés » ou « collaborateurs » et vous conviendrez avec moi que ces questions sont déjà celles de l’année 2020 et encore plus de 2021.
Premier constat: l’arrivée d’une nouvelle année ne signifiera pas la fin du télétravail. D’abord, parce que les collaborateurs y ont goûté et apprécient de ne plus perdre du temps dans les transports en commun. Ensuite, parce que beaucoup d’employés redoutent de revenir travailler sur des grands plateaux tant que la pandémie n’est pas totalement maîtrisée. Et enfin, parce que comme le rappelle Jacques Attali, nos économies de service (70% du PIB) peuvent très bien fonctionner en mode télétravail.
Mais surtout, la question à laquelle devront répondre les dirigeants et managers en 2021 est redoutable: aller au bureau, mais pour y faire quoi? Les collaborateurs ont été assignés pendant presqu’un an chez eux. Ils ont fait à domicile ce qu’ils faisaient au bureau. Et bien souvent, ils le faisaient mieux (les employeurs l’ont aussi remarqué).
D’où, je le répète, la question qui tue: quelle serait encore la raison d’aller au bureau? Philippe Emont, directeur associé au cabinet AlterNego (France), le dit autrement auprès de mes confrères des Echos: « Et si l’on demandait benoîtement aux employeurs et à leurs représentants pourquoi la présence des salariés sur le lieu de travail est si importante? Pas pour les embêter, pas pour les coincer, non, mais simplement pour se rendre compte que cette question, aussi bête soit-elle, n’est jamais posée, alors qu’elle se trouve au coeur du débat à venir sur le télétravail ».
Selon Jacques Attali, en 2021, les dirigeants et managers qui nous lisent savent qu’ils devront faire deux choses. Primo, pour sauver le lien avec l’entreprise, ils devront faire en sorte que les salariés s’y sentent attachés, notamment via l’élaboration de valeurs communes et d’un projet d’entreprise mobilisateur à l’horizon de 10 ans. Et deuzio, faire en sorte que les espaces de travail, surtout les sièges sociaux, soient très accueillants pour les collaborateurs.
« Si on veut que les salariés aient envie d’y venir, les restaurants d’entreprise, les salles de réunion, les lieux de travail devront ressembler à ceux qu’on trouve dans les hôtels les plus conviviaux. » Au demeurant, Jacques Attali souligne que le même travail de réaménagement devra être fait pour nos hôpitaux et nos maisons de repos.
Le chantier est vaste. Mais passionnant. Vive 2021.