S’aligner sur le pouvoir d’achat ou augmenter les prix pour compenser les pertes subies en raison du confinement ? Les professionnels du voyage s’interrogent. Pour fixer leurs tarifs, les entreprises s’alignent habituellement sur les données de fréquentation. Mais la situation actuelle est sans précédent.
Ainsi dans l’aérien
S’appuyer sur les modèles de consommation des années antérieures risque d’être mal adapte à la situation. On se base donc sur les données issues des calculs obtenus grâce à des algorithmes et des modélisations de la demande. « Il faut comprendre la motivation du consommateur à voyager et combien il est prêt à payer son billet. Les compagnies basent ensuite leurs calculs en fonction de leur capacité d’accueil et d’une myriade d’autres facteurs. Elles veulent viser le meilleur prix à la fois pour leurs bénéfices, mais aussi pour les voyageurs », explique Benjamin Cany (Amadeus).
Impossible d’anticiper
L’industrie aérienne garde presque toujours un œil sur les fluctuations de la demande et la contrôle aisément grâce à sa gestion des prix : c’est le yield management. Lorsqu’elle est insuffisante, les compagnies baissent leurs tarifs pour attirer la clientèle. Mais dans une situation aussi complexe, il est devenu impossible de se contenter de la loi de l’offre et de la demande pour anticiper les prix.
Les points de vue diffèrent quant aux stratégies à mettre en place. Joe Leader, directeur d’Apex Aviation, compte sur la confiance instaurée par les mesures sanitaires ainsi que les prix bas pour retrouver des passagers. Un sentiment qui n’est qu’en partie partagé, car il est possible que les anciennes manières de baisser les prix des sièges pour retrouver des clients ne fonctionnent plus aussi bien qu’avant. Les gens ont peut-être des inquiétudes qui vont au-delà des prix.
En tout état de cause, l’IATA s’attend à une faible demande, dans premier temps, pour les vols de ligne. Au moins le faible coût actuel du fuel devrait-il permettre de limiter les pertes.
Réguler l’offre
Les compagnies aériennes prévoient aussi de retirer de la circulation les avions les plus anciens pour ne s’appuyer que sur les nouveaux, plus performants et moins gourmands en kérozène. Elles espèrent ainsi réduire les coûts tout en réduisant l’offre. Airbus et Boeing ont d’ores et déjà annoncé le ralentissement de la cadence de production de nouveaux appareils. Lorsque la demande augmentera à nouveau, la fabrication reprendra.
La crise liée au Covid-19 aura cependant changé le visage de l’aviation de ligne en forçant de nombreuses entreprises à mettre la clé sous le paillasson. La régulation de l’offre et de la demande pourrait prendre du temps, ce qui pourrait mener à une augmentation des prix à moyen terme.
[Source : Slate]
La croisière dans tous ses états…
Le problème se pose de la même manière pour d’autres grands acteurs du tourisme, comme par exemple l’industrie de la croisière. L’estimation de la demande est d’autant plus malaisée que des milliers de croisiéristes ont été contraints de changer d’itinéraire, voire bloqués à bord de leur navire dans l’attente d’un port qui veuille bien le recevoir…
Des centaines de passagers ont été contaminés sur des dizaines de navires, dont 700 à bord du seul Diamond Princess. Il est à craindre que bon nombre de ces vacanciers ne seront pas prêts à recommencer l’expérience d’une croisière de sitôt.
Ces compagnies vont d’abord devoir compenser les croisières qu’elles ont été contraintes d’annuler ou simplement d’en modifier l’itinéraire et les escales. Aux dernières nouvelles, MSC a prolongé la suspension de ses opérations jusqu’au 10 juillet, Costa, jusqu’au 31, tandis qu’au Canada, les croisières internationales restent interdites jusqu’au 31 octobre…
Comme dans l’aérien, les armateurs vont sans doute tenter de se débarrasser de leurs plus vieux navires au profit des unités les plus récemment sorties des chantiers navals, plus « écologiques » et plus rentables. Et les spécialistes s’attendent à ce que les armateurs proposent cet été des croisières moins lointaines, plus courtes et surtout… peu chères.
HoReCa : une offre raréfiée
Dans l’hôtellerie et la restauration, le problème est très différent. Pour ce qui est de l’hôtellerie, en particulier dans les destinations les plus populaires, le taux d’occupation sera largement tributaire de la reprise des vols et il se pourrait que certains établissements restent largement sous-utilisés.
Pour ce qui est de la restauration, il est peu probable que la demande diminue de manière significative : en général, les clients trépignent d’impatience en attendant la réouverture de leurs restaurants favoris. Dans le cas présent, c’est l’offre qui va se raréfier du fait des mesures de « distanciation », qui feront perdre à l’établissement en moyenne 30 p.c. de sa surface utilisable.
Heureusement, les autorités sont revenues à des normes plus aisément gérables : tables, de maximum 6 convives, éloignées d’un mètre et non plus l’obligation, qui avait été envisagée, de réserver un espace minimum de 4 m² par client…
Malgré tout, beaucoup d’établissements pourraient ne pas survivre à une baisse de 30 p.c. de leur chiffre d’affaires, et il faut s’attendre, là, à ce que les prix augmentent au moins un peu par rapport à l’année dernière.
Pour faire face à cette crise aussi profonde qu’inattendue, les professionnels du tourisme, tous secteurs confondus, sont appelés en tous cas à ajouter la créativité à leur expérience et leur vaillance bien connues.