L’analyse d’Alain Degen sur notre avenir

« La période que nous vivons est propice à la réflexion, et à l’introspection sur nos vies et nos métiers entr’autres. » Nous sommes confrontés à une multitude de questions sans réponses, mais pour lesquelles nous devons néanmoins trouver des réponses, pour rassurer nos clients et nos salariés, alors que nous ne sommes pas rassurés nous-même.

Si cette crise nous présente une véritable opportunité, c’est celle d’initier des changements profonds dans certains de nos modes de fonctionnement. Et si nous ne saisissons pas cette opportunité de changement, malheureusement cette crise aura été inutile, et n’aura fait que plonger un certain nombre d’individus et d’entreprises dans un désarroi total.

Je pense évidemment au fonctionnement de nos états, de l’Europe, ces
organisations qui ont fait ce qu’elles pouvaient dans l’urgence mais ont montré leurs failles, leurs limites et même parfois leurs manquements de façon criante, empêtrés qu’ils sont dans des normes bureaucratiques et des structures beaucoup trop lourdes qui nuisent aux prises de décisions rapides et flexibles dont nous aurions eu si souvent besoin face à cette crise.

L’élément temps est malheureusement trop souvent mal pris en compte dans nos sociétés face à ce genre de situation, alors qu’il est capital. Il est grand temps de simplifier et unifier toutes ces structures pour les rendre enfin efficaces.

Le rôle de nos médias aussi, dont l’attitude ultra-anxiogène et redondante, dictée par la pensée unique qu’ils nous ont livrée du matin au soir dans une quête permanente de l’audimat qui est leur véritable fond de commerce. Ça aussi nous le savons depuis longtemps, mais ce qui s’est passé à ce niveau depuis le début de la crise est caricatural, et même dangereux, dans la psychose qu’ils ont inoculée au grand public.

Le comportement et parfois la bêtise des foules

Jusqu’au point où ils en ont complètement oublié que leur rôle est aussi de divertir, notamment par une programmation de qualité culturelle ou ludique pendant la période de confinement, au lieu de multiplier à l’infini les émissions ‘spécial Corona’ en faisant entrer leurs caméras de façon souvent impudique dans des hôpitaux, et de filmer des malheureux en train de lutter pour leur survie et où le personnel médical a autre choses à faire que de répondre quotidiennement à des journalistes.

Le comportement et parfois la bêtise des foules, soumises à la dictature de la peur généralisée, entretenue par nos gouvernants et les médias. Cette peur qui est un sentiment tellement efficace qu’il a permis de reconsidérer en profondeur nos libertés fondamentales en quelques jours, et finalement de nous infantiliser complètement.

Les lobbys médicaux qui ont pris le pouvoir sur nos pays ces dernières semaines et qui, pour certains en quête de notoriété, campent quotidiennement sur les plateaux télé pour parfois nous dire tout et son contraire, ou débiter des évidences pour le commun des mortels.


Les lobbys pharmaceutiques, qui rivalisent d’opportunisme dans cette crise pour doper leurs bilans financiers et sont omniprésents dans les couloirs des différents pouvoirs.

Tourisme : seuls les plus forts survivront

Les instituts de sondages qui nous livrent quotidiennement ces chiffres morbides qui, faute d’être mis en perspective avec d’autres réalités médicales, ne font finalement que tromper l’opinion publique sur la vraie réalité, sans compter les modes de comptages qui varient suivant les pays.

Et même les marchés financiers, qui prennent des tendances la plupart du temps excessives et complètement déconnectées de la vraie réalité de l’économie de terrain.

Concernant nos métiers du tourisme, cette crise nous apprendra que seuls les plus forts, c’est à dire ceux qui ont les meilleures compétences, et les structures financières les plus robustes pourront survivre à ce tsunami, dont je crains que les prochaines semaines et les prochains mois vont seulement commencer à nous montrer les effets négatifs.

Une fois de plus, je suis convaincu depuis longtemps, et bien avant cette crise, que ce métier doit se réformer, et que le modèle d’hier n’est plus tenable. Exit l’agence de quartier, qui mourra avec son ou sa gérante, et qui n’a pas les reins assez solides pour faire face à
tous les défis qui se présentent à nous, et notamment des secousses telluriques comme celle que nous vivons pour le moment.

Nos structures doivent devenir plus fortes financièrement, mieux équipées en terme de compétences métier, IT, marketing digital, finances, RH.
Nos agents de voyages ne sont plus des ‘agents de comptoir’ mais doivent devenir des ‘Travel Consultants’ (ce que j’indique d’ailleurs maintenant sur les contrats d’emploi chez nous).

Le Travel Consultant est un architecte, un couturier du voyage, qui doit connaître les destinations, toutes les prestations périphériques et la façon de construire de vrais dossiers, les plus complexes. Quand mes collaborateurs me disent d’un dossier qu’il est compliqué, je suis simplement ravi, car je me dis que c’est là que nous pouvons montrer la plus-value d’un professionnel. Terminé l’agent de voyage qui ne fait que des bookings et des factures !

Je ne crois plus non plus dans le concept de l’agence vitrine qui n’est plus en phase avec les technologies et le mode de vie actuel du voyageur

On n’achète pas un voyage en passant devant une vitrine, ce métier peut se faire de pratiquement n’importe où avec les moyens technologiques actuels, et nos visibilités ne dépendent plus d’une vitrine avec des offres.

Sans compter que le client qui fait le choix de passer par une agence de voyages va le faire uniquement pour des produits sophistiqués ou à haute valeur, pour lesquels il vient chercher du conseil, du service et de la sécurité.

Tous les produits simples ou de faible valeur se commandent en ligne très facilement, et on doit admettre qu’un même client commande tantôt en ligne et tantôt en agence suivant le produit qu’il veut.

Pour résumer, je pense qu’il faut une vraie vision ‘industrielle’ et un plan à long terme pour ce métier, ce qui, je trouve, fait souvent défaut dans notre secteur d’activité.

Nous sommes confrontés quotidiennement à des enjeux entrepreneriaux conséquents, dans un métier à marges hyper tendues qui subit des mutations rapides et nous oblige donc à une grande réactivité, et parfois la mise en place de moyens importants qui conditionnent notre survie à terme.

Si cela a été le cas dans le passé, on ne peut plus se permettre d’aborder ces questions comme on le ferait dans un commerce de détail.

Il me semble que face à ce qui se passe maintenant, et qui prendra encore du temps à se résorber, il est plus que temps pour ceux qui ont des structures professionnelles avec une vision d’avenir, de se rapprocher, pour créer des entités plus robustes, mieux équipées des compétences nécessaires à tous les niveaux, et devenir véritablement des acteurs de référence à 360 ° incontournables dans leur secteur de métier.

Si il y a un avenir pour cette profession, je pense que ce sera à cette condition.

Face à tous les acteurs qui nous entourent, à savoir nos fournisseurs qui sont presque tous des titans par rapport à nous, nos organisations professionnelles comme IATA ou le FDG qui nous soumettent à des contraintes financières très dures, malgré nos rentabilités sous pression, nous devons être capable de mieux donner le change,  au moins représenter des structures qui ont des tailles critiques suffisantes, ce que nous n’avons pas la plupart du temps.

On peut comparer avec le secteur des courtiers d’assurances qui a été remis en question par  l’arrivée des compagnies en direct il y a 20 ans. On a vu que tous les petits courtiers de quartier soit ont disparu, ou se sont intégrés dans des structures plus importantes, qui ont passé le cap et sont devenues maintenant beaucoup plus résistantes.

A notre niveau, nous croyons à cette stratégie de consolidation, et nous tentons de la mettre en place autant que possible, ce qui n’est pas forcément simple. Mais je pense que tant pour nos salariés que pour nos clients qui sont notre raison d’être, il est plus que temps de revoir nos conceptions, et même sans doute d’accepter de sacrifier une partie de nos instincts de propriété naturels pour ouvrir nos entreprises, les solidifier et les rendre compatibles avec les mutations du marché, qui se feront avec, ou sans nous.

La situation que nous vivons va malheureusement faire des dégâts dans les AGV, certains sont découragés et vont quitter le métier, d’autres ne tiendront pas économiquement, ce qui entrainera sans doutes des drames humains pour des salariés et des patrons qui parfois travaillent par passion en en se rémunérant trop peu ou pas.

Une certaine sélection naturelle se fera inévitablement, ce qui entrainera que des parts de
marché vont se diluer dans la nature, au profit de certains de ceux qui seront toujours là, ou alors elles seront simplement perdues à jamais.

Quoi qu’il en soit, comme on dit, gouverner c’est prévoir, et c’est la difficulté majeure à laquelle les patrons de beaucoup de PME sont confrontés pour le moment. Nous sommes en pilotage sans visibilité, que ce soit sur notre marché, pour lequel nous dépendons des décisions souvent trop tardives et peu coordonnées de nos dirigeants, des ouvertures aléatoires des frontières, de l’activité des compagnies aériennes, et enfin de la peur congénitale qu’on a inoculée au grand public, la peur étant virus au moins aussi redoutable que le Corona. 

Celà fait beaucoup d’aléas pour nous permettre d’élaborer un business plan ne fût-ce qu’à un an !

Nos associations professionnelles, enfin réunies et c’est une bonne chose, se battent pour défendre notre survie, mais je crains que notre poids économique soit peu conséquent pour nos gouvernements, qui vont recapitaliser les compagnies aériennes, car des milliards d’euros ou des milliers d’emplois pèsent beaucoup plus lourd, tant sur le plan économique que médiatique que nos  6000 emplois pour 1600 AGV et sans doute moins demain.

Dans cette optique, la solution du bon de valeur pour les AGV et TO était indispensable pour éviter une implosion à très court terme de nos métiers, et heureusement qu’elle a été défendue par nos unions professionnelles.

Par contre les vociférations médiatiques des associations de consommateurs et de certains politiciens qui, une fois de plus, ne connaissent rien à nos métiers, ont fait en sorte que ce bon de valeur devienne une bombe à retardement qui éclatera pour beaucoup d’entre nous dans un an quand beaucoup de nos clients viendront nous demander de leur rembourser ces bons de valeur et que nous devrons puiser dans nos fonds propres pour ce faire, sans êtres certains que nos fournisseurs, eux, nous rembourseront.

Encore une fois cette directive européenne a été à mon sens rédigée par des juristes théoriciens obsédés par la défense du consommateur (que nous sommes aussi à nos heures ne l’oublions pas …), sans connaître et sans se préoccuper le moins du monde du mode de fonctionnement de nos métiers d’AGV et TO, ce qui rend cette directive tout simplement intenable sur bien des points. Il ne faut pas s’en étonner, quand on sait qu’il n’y a pas de DG Tourisme au parlement européen, ce qui signifie au fond que la première industrie au monde a été simplement oubliée à l’Europe sans que personne n’y trouve à redire !!! 

Quand j’ai pris connaissance de cette directive il y a deux ans, et que nous avons du revoir nos conditions générales, il me paraissait clair qu’elle nous éclaterait à la figure dès qu’on serait amené à s’en servir … C’est chose faite !

Donc pour conclure ce billet d’humeur, j’espère vivement que cette crise, qui nous oblige tous à réfléchir sur le sens de nos vies personnelles et professionnelles, sera l’opportunité de mutations importantes aux différents niveaux évoqués plus haut. Alors on y aura vraiment gagné quelque chose, c’est ce que j’espère …

J’ai confiance dans la nature humaine qui a toujours fait grande preuve de capacité d’adaptation et de résilience dans son histoire, même si c’était parfois dans la douleur.

De même, je forme le voeu que le tourisme de masse se réforme lui aussi, pour laisser la place à un tourisme plus qualitatif et respectueux de valeurs de protection de notre planète et de l’humain qui l’occupe.

C’est un autre vaste sujet qui mériterait quelques pages, mais il est tout aussi important,  cette crise présente sans doute aussi l’opportunité de mettre en place les stratégies nécessaires, et nos métiers peuvent et doivent y concourir !

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