Pour savoir à quoi pourrait ressembler l’humain, ou notre vie d’humain, demain, il fallait se rendre au salon CES de Las Vegas qui vient de fermer ses portes. Les spécialistes des nouvelles technologies connaissent bien ce salon car il met en valeur les grandes innovations en cours dans le monde entier.
Cette année, ce qui a frappé les visiteurs et mes confrères des Echos, c’est que l’humain « augmenté » était la star de la plupart des innovations les plus frappantes. L’ambition est très claire : dans un avenir proche, toutes ces nouveautés technologiques vont décupler nos capacités physiques et cognitives.
C’est cela que les spécialistes appellent « l’humain augmenté ». Par exemple, les personnes qui ont un métier pénible pourront compter, à l’avenir sur des vêtements connectés ou des exosquelettes, voire des robots, qui leur permettront de réaliser sans difficulté leurs tâches.
L’être humain de demain sera aussi en meilleure santé et vivra plus longtemps car les nouvelles technologies rendront visibles des pathologies, notamment psychiatriques, qui sont très difficilement décelables par un médecin.
On pourra déceler plus facilement des cas de dépression. Les nouvelles technologies, présentées à Las Vegas, ont montré aussi des vêtements sportifs intelligents visant à améliorer l’efficacité des exercices physiques.
Mais comme toujours, une innovation est à la fois source de progrès mais aussi d’interrogations
Mes confrères du journal Les Echos en France s’interrogent, par exemple, pour savoir si nous ne sous-estimons pas aussi les dangers de ces innovations.
A force de déléguer des tâches humaines aux machines, ne risque-t-on pas de basculer dans un monde de sédentarité et de perte de lien affectif avec les autres êtres humains ? La question n’est pas seulement philosophique, elle est également pratique.
Si nous étions à ce salon des nouvelles technologies à Las Vegas, nous aurions vu que les stars de ces stands sont des innovations liées à l’industrie du sexe. Demain il ne sera plus nécessaire d’avoir un conjoint en chair et en os, les avatars technologiques feront l’affaire.
Ce confort matériel risque de prendre le pas sur la liberté de l’individu
De même, il y avait des robots destinés aux enfants et qui peuvent créer un lien affectif artificiel avec eux. D’autres inventions donnent ou donneront demain une sensation de confort mais ce confort matériel risque de prendre le pas sur la liberté de l’individu… Comme dans la fable du loup et du chien de Lafontaine.
Le danger, comme l’expliquait Pascal Picq, un paléontologue très connu, c’est l’effet « Planète des singes » qu’il nous faut absolument éviter. Dans ce roman, qui a donné lieu à des films et des feuilletons, une femme explique que tout allait bien sur sa planète Soror.
Pour les tâches les plus simples, il y avait des robots, et pour les autres, les habitants de cette planète avaient dressé des grands singes. Les habitants de la planète avaient perdu l’habitude de travailler et de réfléchir et, pendant ce temps, ces grands singes les observaient… La suite, vous la connaissez comme moi!
Ce que veut dire par là cet expert, c’est que si nous déléguons aux machines nos traits cognitifs et physiques, ce qui fait de nous des hommes et des femmes, nous deviendrons les esclaves de ces machines. C’est une vision un peu pessimiste mais elle a le mérite de rappeler que science sans conscience n’est que ruine de l’âme.