Une marée haute exceptionnelle a submergé Venise, où l’état d’urgence a été décrété, le 12 novembre dernier et provoqué une inondation proche du record (1,94m) de 1966. A Vendredi dernier, le niveau de l’acqua alta à Venise était encore à 1,54 mètre et la basilique et le Palais ducal restaient fermés.
Si Venise s’enfonce peu à peu dans sa lagune, ce n’est évidemment pas pour une seule raison, mais bien pour une conjonction de causes dans lesquelles l’homme, cependant, a presque toujours sa responsabilité.
Des raisons toutes naturelles, d’abord
Mais commençons par les autres, qui relèvent de la Nature. De la géologie, précisément : Venise est située sur une plaque tectonique, la plaque africaine, qui s’enfonce d’environ 10 cm par siècle, soit environ un demi-mètre depuis l’époque de Michel-Ange. De la géographie particulière de l’Adriatique, ensuite, véritable « boulevard » pour le Sirocco, ce vent chaud du sud qui, conjugué à une dépression atmosphérique, peut amplifier l’effet des marées jusqu’à 1.80 m dans ce véritable cul-de-sac qu’est la lagune vénitienne.
La main de l’homme a frappé aussi
Constituée de petites îles très basses et marécageuses, celles-ci pouvaient absorber l’eau des marées. Mais la main de l’homme a frappé : aujourd’hui asséchées, l’eau ne peut plus se disperser aisément après le creusement de profonds canaux qui permettent l’arrivée de cargos, puis de navires de croisière, dans la zone industrielle.
L’extraction d’eau des nappes phréatiques sous Venise, enfin, heureusement stoppée en 1970, a fait encore perdre 10 cm à la Cité des Doges sur les 30 perdus au cours des cent dernières années. Aujourd’hui, le réchauffement climatique vient s’ajouter aux causes qui font que Venise s’enfonce inexorablement, avec l’augmentation générale du niveau des mers, résultant notamment de la fonte des glaces. L’hypothèse de voir Venise disparaître est de plus en plus réelle.
Sauvée des eaux ?
D’où le projet MO.S.E (MOdulo Sperimentale Elettromeccanico) — équivalent en italien de Moïse qui, comme on le sait, fut sauvé des eaux — consistant à installer des digues flottantes et articulées aux trois bouches de communications de la lagune avec l’Adriatique, Lido, Malamocco et Chiogga, afin d’enrayer les phénomènes d’acqua alta.
Dès que le niveau d’alerte sera supérieur à 1m10, on fermera ces écluses amovibles pour protéger Venise et sa lagune des marées exceptionnelles jusqu’à une hauteur de 3 mètres. Le dispositif comprendra 78 digues flottantes sur environ 1600 mètres, réparties en quatre tronçons avec d’énormes trappes pouvant se fermer ou s’ouvrir selon les caprices de la marée.
Pas toujours dans les bonnes poches…
Le coût initial du projet était de 1,8 milliard d’euros mais les travaux, toujours en cours, ont déjà englouti 6 milliards d’euros, mais pas toujours dans les bonnes poches… La mise en service est annoncée pour le printemps 2021.
Enfin, aux dernières nouvelles. Car rien n’est jamais urgent, à Venise. La Sérénissime avait par exemple voté une taxe dont les touristes devraient s’acquitter : après trois reports successifs, on attend toujours son entrée en vigueur. Comme on attend toujours le plan de contournement du centre historique pour les navires de croisière.
La corruption, vraie responsable
Un premier bilan humain fait état de huit morts tandis que les dégâts de la crue de novembre sont d’ores et déjà chiffrés à «des centaines de millions d’euros». C’est probablement moins que le coût de la corruption, son véritable responsable, qui a entaché ce chantier titanesque, mais que son achèvement aurait sans doute permis l’éviter.
Pour soutenir Venise et les Vénitiens après l’Acqua Alta du 12 Novembre 2019, le site e-venise.com vous propose de faire un don. Notre conseil, et vu l’expérience de Moïse : n’en faites rien ! Si vous souhaitez manifester votre solidarité avec une bonne cause, PagTour peut vous en suggérer plusieurs !