La rage taxatoire a encore frappé en France avec l’adoption, jeudi, par l’Assemblée nationale, de l’augmentation de la « taxe Chirac » sur les billets d’avion. Elle se traduira par une hausse du prix des billets de 1,50 à 3 € sur les vols en classe économique et de 9 à 18€ en classe affaires. Seules les liaisons entre le continent et la Corse ou les collectivités d’outre-mer seront épargnées.
La taxe de solidarité sur les billets d’avions (TSBA), dite « taxe Chirac », imposée à toutes les compagnies aériennes qui embarquent des passagers sur le territoire français, avait été créée en 2005 en vue de contribuer au financement des pays en voie de développement.
Cette fois, le produit de cette taxe additionnelle, qui sera in fine payée par le passager, devrait servir à financer les infrastructures ferroviaires en France sans, bien entendu, réduire en aucune façon les gaz à effets de serre…
« L’ensemble des taxes et des charges est supérieure en Allemagne et au Royaume-Uni, deux pays qui ont pourtant des compagnies puissantes », a fait valoir le gouvernement, jugeant normal que « le transport aérien contribue au financement de la mobilité dans tous les territoires ».
La compétitivité atteinte
Mais pour l’opposition, l’augmentation d’une taxe purement française risque de peser un peu plus sur la compétitivité des compagnies aériennes nationales qui connaissent déjà des difficultés — voir les récentes faillites d’XL Airways et d’Aigle Azur — et d’avoir un impact sur le tourisme.
D’autant que les compagnies aériennes européennes sont déjà taxées en Europe selon le système ETS (Emission Trading Scheme). En 2018, les compagnies européennes en général ont déboursé quelque 590 M€, dont 10 M€ rien que pour Brussels Airlines, par exemple.
Cette année, avec l’augmentation du prix du baril de fuel, ce devrait être encore bien davantage. Entre 2013 et 2018, le montant total a été de 1,3 Md€… sans que personne ne sache où est allé tout cet argent et encore moins à quoi il a servi !
La France n’est pas seule
La France n’est cependant pas seule. L’Allemagne prévoit pour sa part d’augmenter considérablement, cette fois, les taxes qui pèsent sur le secteur aérien. Objectif : permettre au gouvernement de lever jusqu’à 740 M€, qui permettront ensuite de réduire la TVA sur les tarifs ferroviaires de 19% à 7%. Car l’Allemagne impose la TVA sur les voyages en train, et ce taux varie en fonction de la distance.
Le projet de loi prévoit ainsi une hausse de 74% des taxes sur les billets d’avion pour les vols intérieurs et de 41% pour les vols long-courriers.
Si elles sont approuvées, les nouvelles taxes seront, à partir du 1er avril 2020, de 13,03 € par billet pour des vols jusqu’à 2 500 km (contre 5,53€), de 33,01 € pour des vols jusqu’à 6.000 km et de 59,43 € pour les vols les plus longs.
Priorité au train ?
Alors que la SNCF a abandonné la plupart des trains-lits et que les chemins de fer allemands les ont tous mis au rebut, les Autrichiens envisagent d’étendre leur réseau. L’ÖBB veut ainsi faire passer son Nightjet de Vienne à Amsterdam et à Bruxelles en 2020.
Aux Pays-Bas, dans le cadre de son programme Fly Responsibly, KLM prévoit de remplacer certaines fréquences aériennes par des liaisons ferroviaires pour sa route Amsterdam-Bruxelles en 2020.
Le pays envisage par ailleurs de réintroduire les taxes au décollage, supprimées en 2009 après seulement un an. Ces taxes plus élevées ne devraient cependant pas s’appliquer aux passagers en transit.
La solution ne peut être que mondiale
Augmenter unilatéralement les taxes en Europe ne fait que renforcer les acteurs non-européens. Si l’on veut lutter contre le réchauffement climatique, une solution ne peut être que mondiale alors que les États-Unis, l’Inde et la Chine sont les plus gros émetteurs de CO2. Par ailleurs, l’automobile reste, et de loin, le secteur le plus polluant.
Dès lors, pourquoi cet acharnement sur les compagnies aériennes alors que les avions de nouvelles de nouvelle génération et les compensations mises en place par les compagnies aériennes vont permettre de réduire significativement l’impact des avions sur le climat ?
Ou à l’encontre des compagnies de transport maritime, et notamment de croisières, qui remplacent progressivement leurs moteurs au fuel lourd par des moteurs au gaz naturel liquéfié, qui n’émettent pratiquement plus aucune particule indésirable dans l’environnement ?
Il fait de moins en moins de doute qu’un puissant lobby s’active, à coups de fake news notamment, à discréditer le tourisme, qui serait responsable de tous les maux. Mais qui est derrière ce lobby ? La question mérite d’être posée.
[Avec Business Travel]