Le journal Air Transport World, sous la plume d’Alan Dron, publie une intervention intéressante émanant de CEO de compagnies européennes, concernant les compensations éventuellement dues aux passagers.
Les intervenants à la Conférence annuelle de la « European Regions Airline Association » qui s’est tenue à Prague, remettent fortement en cause la circulaire E261 de l’UE, en pointant non seulement les surcoûts pour les petites compagnies, mais surtout les problèmes de sécurité dus à la pression exercée sur les intervenants d’un avion.
Un des CEO présent a signalé que la règle EU261 l’a proprement poussé hors du marché charter et constitue la plus grande menace à la sécurité des passagers.
Le délai de 3 heures après lequel une compagnie est tenue d’indemniser ses passagers constitue un vari risque, puisqu’une importante pression est mise sur les équipages et sur les techniciens de maintenance, pour que tout se fasse plus vite.
Un exemple : celui de Danish Air Transport (DAT), qui opère des vols domestiques en Scandinavie avec une flotte d’ATR42/72 turboprops, d’Airbus A320 et de MD-80.
En 2017, cette compagnie a déboursé moins de 400.000 € en pénalités de retards, mais cette somme est passée à 2 millions d’euros en 2018.
Rappelons qu’un transporteur qui dépasse le délai de 3h est tenu de compenser ses passagers de 250 €. Cette somme monte à 600 € quand, par exemple, un vol régional prend du retard à destination d’un hub, et que le passager rate de ce fait sa correspondance. Après le délai de 3h, la compagnie doit prouver des « circonstances extraordinaires » pour éviter de payer. Mais la plupart du temps, la balance penche en faveur du passager.
« Nous avons des passagers qui sont assis, chrono en main, pour mesurer ces 3 heures à la seconde près ! Certains poussent même dans la cabine un cri de triomphe quand la porte s’ouvre deux ou trois minutes après les 3 heures. Ces attitudes vont finir par tuer les petites compagnies régionales à cause des montants disproportionnés à payer ».
Même si DAT donne à ses équipages l’instruction ferme que la sécurité passe avant tout, il n’en reste pas moins que ces équipages sont sous pression. Et si un seul membre tombe malade, cela peut avoir pour conséquence un retard voire même une annulation de vol.
« Suis-je obligé de payer si un membre d’équipage avale une nourriture qui le rend malade ? La réponse est oui ! » dit ce CEO.
Roy Kinnear, CCO de Flybe, arrive aux mêmes constats. Flybe a un budget de 10 millions de £ pour les compensations EU261 en 2019. Il exprime ses craintes que la pression exercée par cet EU261 a été sous-évaluée par l’UE et par l’EASA : ils sont dans l’attitude : « Personne n’est encore mort ».
L’IATA veut clairement une réforme de l’EU261
Un de ses représentants déclare : « Je pense que beaucoup de personnes y compris à la Commission Européenne, sont conscientes que l’application de l’EU261 n’est pas correcte. Il y a des exemples de compensations qui excèdent le prix du billet, ce qui n’était clairement pas l’intention initiale. En plus de cela, il y a eu des interprétations individuelles de la part des États, ce qui a créé de l’incertitude aussi bien dans les compagnies qu’auprès des passagers.»
La solution qui est demandée est d’accorder plus de temps aux compagnies aériennes pour répondre à un imprévu, et d’attribuer les compensations en fonction d’une échelle de valeurs et non d’une imposition fixe, même pour quelques minutes de dépassement.
Parfois, nous nous demandons s’il ne faudrait pas faire appel à une vieille notion de droit non écrit : le bon sens…