Le Brexit est de nouveau reporté à une date ultérieure. Malgré ce énième rebondissement, la Bourse de Londres reste calme et résiste plutôt bien, ce qui est étonnant. Serait-elle dans le déni? Ou bien d’autres raisons entrent en jeu? Analyse.
Le Brexit joue les prolongations. Au départ la date fatidique du divorce était fixée au 29 mars, puis la séparation a été déplacée au 12 avril. Et, nouveau coup de théâtre, ce vendredi 5 avril, Theresa May fait savoir qu’elle souhaite un nouveau délai avant de sortir de l’Union européenne. La nouvelle date pour le grand saut est le 30 juin. Enfin normalement, car c’est ce mercredi 10 avril que les 27 autres pays de l’Union européenne accorderont ou pas ce nouveau délai de grâce.
Mais ce qui étonne dans ce charivari, c’est qu’en dépit de ce énième rebondissement, la Bourse de Londres garde un flegme très britannique. Mieux encore, depuis la date du référendum, le 24 juin 2016, le FTSE, l’indice-phare de la Bourse de Londres, a grimpé de 26%. Est-ce à dire que les investisseurs sont dans le déni ?
A priori non, les investisseurs ont simplement relativisé la portée du Brexit : les grandes valeurs cotées à Londres sont internationales, donc peu concernées par les risques de ralentissement de l’économie britannique.
Et, cerise sur le gâteau, depuis juin 2016, la livre sterling a perdu 10% face au dollar. Résultat : la dépréciation de la devise britannique a favorisé les exportations britanniques, donc les actions du FTSE. Par ailleurs, les investisseurs estiment que la probabilité d’un « no-deal » reste très faible. Un exemple ?
La banque américaine Goldman Sachs l’évalue à 15% à peine.
L’un des analystes de cette banque, et il n’est pas le seul à le penser, estime que plus la période d’extension pour le Brexit sera longue, plus la probabilité que le Brexit n’ait pas lieu est grande. De plus, l’autre preuve de l’absence de stress de la part des investisseurs boursiers, c’est la bonne tenue des actions européennes depuis le début de l’année 2019.
Au point que cet optimisme à tout crin dérange la banque centrale européenne (BCE). Le vice-président de la BCE n’a pas hésité à prodiguer une piqûre de rappel aux investisseurs : « Les marchés n’ont pas pris en compte la possibilité d’un scénario de no-deal (…). C’est quelque chose que nous ne devons pas négliger ».
D’où la question : et si le scénario catastrophe devait quand même avoir lieu ? Là encore, les investisseurs boursiers jouent la carte de l’apaisement : Vincent Juvyns, le stratège de JP Morgan, ne croit pas à un scénario de fin du monde, ne serait-ce que parce que les conséquences économiques ne seraient pas immédiates mais (dixit) étalées dans le temps.
Bref, la Bourse a décidé de rester optimiste
Les investisseurs ont chaussé des lunettes roses en ce moment et pas seulement pour le Brexit. A Wall Street, depuis le début de l’année, plus aucune mauvaise nouvelle n’a de prise sur le moral des investisseurs. La bourse américaine digère toutes les contrariétés en l’espace de quelques heures comme elle l’a montré durant tout le mois de mars dernier. Les indicateurs macroéconomiques ont beau se détériorer, les cours restent en phase ascendante.
Sans doute, parce que les investisseurs estiment que les banques centrales sont là pour veiller au grain. Les spécialistes appellent cela le « put » de la FED. En d’autres mots, c’est l’assurance que la banque centrale américaine ne laissera pas la Bourse s’effondrer. Pas avant une échéance électorale aussi importante que celle de 2020. Donald Trump et son ministre des Finances poussent même la FED à baisser ses taux!
Bref, la Bourse est dans un mode « pile, on gagne, et face, on ne perd jamais ». Mais jusqu’à quand ?