Les résultats de 2018 concernant le transport aérien viennent d’être présentées par l’OACI et ils méritent que l’on s’y attarde un peu. Globalement 2018 a été une bonne, voire très bonne année. La croissance s’est maintenue à un niveau élevé : +6,1 % ce qui est très au-dessus de la tendance observée depuis des décennies : 5 %.
Elle est cependant en recul par rapport à 2017 qui reste une référence historique avec une croissance de 7,9 %, du jamais vu pour tout dire. Et les résultats économiques sont eux aussi très bons : 57 milliards de dollars de résultat d’exploitation cumulé et 34 milliards de bénéfice net. On se rappelle encore que pendant les années noires autour de 2010, les pertes étaient de l’ordre de 5 à 6 milliards de dollars.
Le progrès a été considérable depuis, tiré par les énormes efforts qu’a fait ce secteur d’activité pour se réformer, d’ailleurs dans la douleur.
Il faut rappeler que tous les grands transporteurs des Etats Unis n’ont dû leur salut qu’au Chapter 11, autrement dit le dépôt de bilan à l’américaine. Mais les autres compagnies ont arrêté leur folle course à l’expansion et au contrôle des marchés pour se consacrer à l’amélioration de leur marge opérationnelle. Ce n’est pas simple et l’exercice n’est pas terminé.
Rajoutons que le prix du pétrole est resté raisonnable par rapport à la tendance des dix dernières années, même si le coût s’est renchéri de 31 %.
Ces résultats économiques ont été obtenus en opérant 38 millions de vols. Cela représente pour la première fois plus d’un vol par seconde. Autant dire que le transport aérien a pris une part déterminante dans l’économie mondiale.
Il a transporté 4,3 milliards de passagers mais ceux-ci ont été transportés sur des distances de plus en plus longues. Le trafic international progresse de 6,4 %, plus que le trafic général. Le tout reste à comparer au PIB mondial qui n’a progressé que de 3,1 %.
Autrement dit la croissance du transport aérien est égale à deux fois l’évolution de l’économie globale. Il représente maintenant 38 % du commerce mondial en valeur.
Pour autant l’évolution n’a pas été identique dans tous les continents. L’Amérique du Nord a perdu son leadership avec 12 % seulement du trafic international et 40 % du trafic domestique. Le continent a laissé la première place à l’Asie Pacifique avec 30 % de passagers internationaux et 42 % de passagers domestiques.
Notons que sans avoir de marché significatif et relativement peu de compagnies aériennes, le Moyen Orient traite 14 % du trafic international mondial. L’Afrique et l’Amérique Latine restent à la traine pour ce qui est des échanges internationaux : respectivement 4 % et 3 % du total.
Cette croissance est largement tirée par les « low costs » qui commencent à poindre sérieusement leur nez sur les long-courriers. Ils ont transporté 1,3 milliards de passagers soit 31 % du total. Pas si mal pour un système auquel aucun transporteur traditionnel ne croyait.
Et curieusement le continent le mieux desservi par les compagnies à bas coûts est l’Europe avec 36 % du trafic.
Or c’était le marché auquel les experts des transporteurs traditionnels prédisaient l’échec le plus cuisant compte tenu des distances, de l’atomisation des pays, que sais-je.
Il est d’ailleurs notable que ce mode d’exploitation soit très implanté dans la quasi-totalité du monde. Il traite 35 % des passagers en Amérique Latine/Caraïbes, 30 % en Amérique du Nord et 29 % en Asie Pacifique.
Il n’y a guère que l’Afrique où il n’est que très peu représenté. Voilà qui ouvre des perspectives dès que les Etats voudront bien ouvrir leur espace aérien.
Bref 2018 est encore une année faste. Elle a permis à nombre de transporteurs de retrouver une santé économique dont ils avaient bien besoin.
C’est en particulier le cas pour les compagnies traditionnelles qui tirent avantage à la fois de conditions économiques favorables et de leurs réformes de structure. Mais cela pourra-t-il durer ? On peut se poser la question au vu des nuages qui pointent à l’horizon.
D’abord la tendance des pays au repli sur soi dans le sillage de la politique actuelle américaine, et puis la poursuite du péché mignon des compagnies aériennes, je veux parler de la baisse constante des prix pour arriver à la promotion de tarifs qui n’ont pas le sens économique commun.
Reste une tâche sur l’exercice passé : le nombre d’accidents d’avion a été élevé. 556 passagers ont perdu la vie dans 15 accidents contre seulement 44 l’année précédente dans 10 accidents. 5 accidents ont fait plus de 50 morts : Lion Air 189, Global Air 112, Aseman Airlines 66, Saratov Airlines 65 et US Bangla Airlines 51.
La plupart auraient sans doute pu être évités. La sécurité a fait d’énormes progrès, il en reste encore à réaliser.
Jean Louis Baroux