La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine est officiellement arrêtée pendant 90 jours, le temps de trouver un accord définitif. Mais selon notre chroniqueur économique, derrière cette trêve de 90 jours, il y a la volonté des Américains de freiner l’essor de la Chine comme première puissance économique.
Fumée blanche à Buenos Aires lors du dernier G20 : la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine est suspendue pendant 90 jours.
Le temps nécessaire pour trouver une solution aux querelles commerciales entre les deux premières puissances économiques mondiales. Voilà comment les choses nous sont vendues par les médias aujourd’hui.
En réalité, les experts doutent de l’issue positive de ces 90 jours de répit. Si la Chine et les Etats-Unis ont accepté cette trêve, c’est d’abord parce qu’il faut bien soigner ses blessés avant de repartir au combat.
Les blessés ? La Chine souffre de cette guerre commerciale : sa croissance se tasse, les investissements ralentissent, les ménages consomment moins et le renminbi flanche. Aux États-Unis, c’est la Bourse qui trinque. Mais pour les citoyens américains, lorsque Wall Street éternue, ce sont leurs rêves de pensions à l’abri du besoin qui s’envolent à tire d’aile.
Or, Donald Trump ne veut pas être à l’origine d’un marché boursier baissier. N’oublions pas qu’il mise toute sa communication sur le redressement de l’économie américaine et notamment sur un taux de chômage (3.7%) au plus bas depuis plus de 50 ans !
Mais au-delà de cette trêve de 90 jours, les Américains n’ont qu’un seul objectif : empêcher la Chine de redevenir la première puissance économique mondiale.
De son côté, la Chine ne cache pas son jeu : elle l’a même décliné en deux plans. Le premier s’intitule « Made in China 2025 ». Et ce plan vise à ce que la Chine ne soit pas seulement le plus grand atelier du monde mais aussi le plus productif. Autrement dit, la Chine mise sur les nouvelles technologies et a délimité 10 secteurs pour lesquels elle veut être la puissance dominante.
L’intelligence artificielle fait partie de ce plan. Par ailleurs, la Chine veut aussi qu’entre 50% et 80% des produits vendus sur son territoire soient fabriqués par des entreprises chinoises. Donc des entreprises à capitaux chinois.
En mots moins fleuris, les entreprises exportatrices américaines, sans oublier les 70.000 entreprises américaines présentes sur le sol chinois, verront leurs produits être écartés ou substitués par des produits « Made in China 2025 ».
« Pourquoi la trêve de 90 jours n’est pas susceptible de modifier la partie d’échec actuelle entre les deux premières puissances économiques mondiales »
Bref, c’est une forme d’expulsion lente mais efficace du marché domestique chinois. Et comme si cela ne suffit pas, les Chinois ont un deuxième plan, celui de la « route de la soie ».
A l’origine de cette route (sorte de Plan Marshall puissance 10), un simple constat : les Américains maîtrisent les différents accès en mer de Chine. Brutalement dit, les Américains peuvent bloquer le ravitaillement et l’approvisionnement de la Chine en minerais ou en produits agricoles étrangers.
Autant dire que cette possibilité est intolérable pour les Chinois occupés à retrouver leur première place économique. Raison pour laquelle les Chinois sont en train de constituer tout un réseau de routes, de pipelines et de voies ferrées en Asie mineure pour s’offrir des débouchés jusqu’en Europe.
L’objectif de ces voies terrestres ? Permettre à la Chine de ne plus dépendre des États-Unis. De leur côté, les Américains ont compris que les Chinois veulent les déloger de Chine, veulent les concurrencer sur des secteurs à forte valeur technologique et qu’en plus, ils veulent se soustraire au contrôle américain sur les océans et les mers.
Bref, les Chinois veulent s’émanciper de la tutelle économique et militaire de l’Oncle Sam. Et ce scénario, les Américains veulent l’empêcher à tout prix.
Voilà pourquoi la trêve de 90 jours n’est pas susceptible de modifier la partie d’échec actuelle entre les deux premières puissances économiques mondiales.
Thucydide, historien grec du IVème siècle avec J.-C avait une célèbre maxime : « C’est la montée d’Athènes et la peur que cela inspira à Sparte qui rendit la guerre inévitable ». Les politologues américains ont repris à leur compte cette maxime et parlent même du « piège de Thucydide » ou comment une puissance dominante (USA), voyant son hégémonie remise en cause par une puissance ascendante (Chine), finit souvent par lui faire la guerre.
Le professeur Graham Allison de Harvard a constaté qu’au cours des 5 derniers siècles, le passage de témoin a eu lieu 16 fois, dont seulement 4… sans guerre tout court.