Les géants du web comme Amazon ou Google s’intéressent à la finance mais seulement à quelques parties du métier de banquier. Devenir banquier ne les intéresse pas car ce métier n’est pas assez rentable pour eux. C’est étonnant, mais c’est ce que nous explique Amid Faljaoui, notre chroniqueur éco.
L’été est toujours propice à la réflexion
Ce qui domine l’actualité aujourd’hui – et depuis des mois d’ailleurs – c’est l’intelligence artificielle et les éventuels changements qu’elle risque de provoquer pour le meilleur et pour le pire.
La question posée par Michel Cicurel, un banquier d’affaires français reste pertinente: sachant que les secteurs de la banque et de l’assurance se prêtent très facilement à la robotisation, comment se fait-il qu’il n’existe pas encore un Amazon banque ou assurance ?
La première réponse donnée par Michel Cicurel à mes confrères des Echos est étonnante mais tellement simple qu’on y pense pas directement : Amazon ou un Google ne sont pas intéressés outre mesure par le secteur de la finance, car les métiers de la finance ont encore une mauvaise image.
A l’inverse, Amazon dispose d’une image très positive, et qu’aurait donc à gagner le premier distributeur online à devenir un géant de la finance ? Pas grand-chose.
Bien entendu, ce n’est pas la seule raison : qu’aurait à gagner un géant du web à se lancer dans des métiers de la finance qui comportent beaucoup de risques, beaucoup de difficultés et énormément de responsabilités ? Pas grand-chose, non plus !
Mais ce n’est pas tout, la finance ne rapporte plus autant qu’avant la crise. Le rendement des grandes banques, ce qu’on appelle dans le jargon financier le « retour sur fonds propres », n’est que de 5 à 7%.
Là encore, ce n’est pas grand-chose par rapport aux rendements phénoménaux des fameux GAFA. En clair, les Google, Apple, Facebook et autre Amazon affichent des rendements autrement plus importants que dans le secteur bancaire.
En fait, Michel Cicurel a raison de noter dans Les Echos que si Amazon devait s’investir davantage dans la finance, son cours de bourse chuterait aussitôt.
« Le secteur bancaire, extrêmement réglementé, n’intéresse pas les géants du web comme Amazon ou Google »
En conclusion, tous ces aspects négatifs renforcent encore plus les barrières à l’entrée du secteur bancaire. Autrement dit, il est très difficile de s’improviser banquier du jour au lendemain : il faut en effet respecter des règles de prudence draconiennes, il faut disposer de fonds propres importants et il faut accepter d’être scruté de très près par les autorités de contrôle.
Et c’est normal, ni le secteur de la distribution, ni le secteur des transports, ni le secteur de l’éducation ne sont systémiques. Le terme systémique est le terme qui désigne une activité qui si elle devait tomber en faillite mettrait en danger l’économie nationale.
En revanche, c’est vrai, la banque et l’assurance sont des secteurs systémiques. S’ils vont mal, c’est toute l’économie qui serait en péril car la finance, c’est le poumon de nos économies, surtout en Europe, pour la bonne raison que le financement de notre économie dépend à 75% des crédits octroyés par le secteur bancaire.
Et voilà pourquoi le secteur bancaire est extrêmement réglementé. Comme il est fortement réglementé, son rendement est forcément limité. Voilà aussi pourquoi il intéresse modérément les géants du web comme Amazon ou Google. Ce n’est pas qu’ils ne peuvent pas faire ce métier de A à Z, mais c’est parce que le métier de banquier n’est pas assez rentable pour eux.