Ils se sont rencontrés – ils se sont salués – le monde entier a vu leur poignée de main. Mais, qu’est-ce qui a changé concrètement ? Voilà, en résumé, la question qu’on peut se poser au lendemain de la rencontre jugée historique entre Donald Trump et le jeune dictateur nord-coréen Kim-Jong Un.
Ce qui a changé, c’est que l’un traitait l’autre de « petit gros » et l’autre lui répondait « vieillard sénile » il y a quelques mois. Le simple fait de se rencontrer et de se parler est en soi un exploit, surtout pour le leader nord-coréen, car il a réussi ce que ni son père, ni son grand-père n’ont réussi à faire : rencontrer le président de la première puissance économique et militaire du monde.
Pari gagné donc pour la Corée du Nord. Les citoyens de ce pays paria, de ce pays pestiféré ont vu leur leader parler d’égal à égal avec Donald Trump alors que la Corée du Nord, c’est à peine 25 millions d’habitants, et un PIB de pays sous-développé.
Kadhafi doit se retourner dans sa tombe et se dire qu’il n’aurait jamais dû lâcher son programme nucléaire. Quant à Donald Trump, il a rassuré sa base électorale qui s’apprête à voter à la mi-novembre pour le remplacement d’une partie des parlementaires américains.
Alors qu’il a déchiré l’accord iranien en disant que ce dernier était « horrible », « désastreux », « le pire qu’il soit possible de signer », le même Donald Trump signe un accord avec le dictateur nord-coréen qu’il qualifie de « meilleur des accords ». En réalité, cet accord est creux.
Bien entendu, dans cet accord a minima, il est bien indiqué qu’il faut arriver à une dénucléarisation de la péninsule coréenne. Cependant, mes confrères du journal Le Temps ont raison de remarquer que jusqu’ici le mot « dénucléarisation » était suivi des termes « vérifiable » et « irréversible ».
« Corée du Nord-Iran, c’est « deux poids, deux mesures » avec Trump »
Or, dans le texte signé par le leader nord-coréen, on ne retrouve plus ces adjectifs. Autrement dit, nous avons juste à faire à une vague promesse de « dénucléarisation », mais sans contrôle international, sans visite d’inspecteurs. Bref, le contraire de l’accord qui a été signé avec l’Iran où toutes ces garanties étaient prévues. C’est ce qui fait dire aux spécialistes qu’il y a « deux poids et deux mesures » selon que vous êtes nord-coréen ou iranien.
En réalité, tout cela a une explication. La Corée du Nord a déjà l’arme nucléaire et l’Iran pas encore. Dans la négociation, la différence est de taille au détriment de l’Iran. Ensuite, comme le fait remarquer Le Temps, la Corée du nord est entourée de la Russie, de la Chine et du Japon, autant de puissances qui ne veulent pas d’un dérapage nucléaire nord-coréen, alors que dans le cadre de l’Iran, il y a un risque de surenchère nucléaire de la part de l’Arabie Saoudite, sans compter la volonté de l’Iran de déstabiliser la région au travers de la Syrie, du Liban, du Yemen et de l’Irak.
Voilà les raisons pour lesquelles l’administration Trump justifie ce « deux poids, deux mesures ». Mais tous les dictateurs du monde ont compris le message. Quand vous êtes en train de développer l’arme nucléaire, vous ne devez jamais vous arrêter au milieu du chemin, il faut d’abord la développer et ensuite négocier.
Sans quoi vous subissez le même sort que Kadhafi en Libye ou vous êtes mis de côté comme en Iran. En revanche, grâce à sa poignée de main avec Trump, le jeune dictateur nord-coréen accède au rang de puissance nucléaire, et pendant ce temps, sa dynastie continuera à martyriser son propre peuple. L’arme nucléaire est devenue son assurance-vie.