Mes confrères du journal Le Monde ont raison de rappeler que vendre son appartement prend pas mal de temps de nos jours, ne serait-ce que parce que le marché immobilier est en faveur des acheteurs au détriment des vendeurs.
Cependant, lorsque vous vendez non pas un appartement avec deux ou trois chambres, mais plus de 600.000 chambres, vous pourriez vous attendre à ce que cela prenne encore plus de temps.
Pourtant, selon mes confrères du Monde, Sébastien Bazin, le patron du groupe AccorHotels la 6ème chaine hôtelière mondiale, vient de réussir l’exploit de vendre plus de 600.000 chambres en un an et demi. Qui dit mieux ?
Vous me direz qu’un hôtelier qui vend son immobilier, c’est plutôt bizarre, non ? Il vend son fonds de commerce ? Pas du tout. C’est une stratégie bien calculée de la part de Sébastien Bazin et il n’est d’ailleurs par le seul à la pratiquer.
Le Monde rappelle que toutes les grandes chaines hôtelières comme Intercontinental ou Marriott ont vendu depuis longtemps leur parc immobilier. En fait, les grandes chaines hôtelières font exactement comme McDonald’s : elles apportent leur marque, leurs standards de qualité et le trafic de clients. En résumé, ces hôtels cèdent leur franchise. En plus, dans le cas d’AccorHotels – qui pour rappel, possède des marques comme Formule 1, Ibis, Mercure, Novotel ou Sofitel – c’est une manière de ne pas immobiliser des capitaux inutilement et de rendre ceux-ci aux actionnaires du groupe. C’est ce qu’a fait avec brio le patron du groupe hôtelier, puisque ce dernier va empocher 4.4 milliards d’euros pour la cession de 55% de sa filiale immobilière.
Le Monde précise ce chiffre de 55% car à terme, le solde, soit tout le parc immobilier, sera vendu. Bien entendu, cet argent ne va pas bêtement aller dans les poches des actionnaires. En fait, Sébastien Bazin a bien compris que la faiblesse de son groupe, c’était d’être concentré sur l’Europe.
« A l’ère du numérique, changer n’est plus une option, c’est une question de survie »
En 2013, Accorhotels était aux trois quarts européen et en plus trop fortement concentré sur le bas et le milieu de gamme. Autrement dit, le groupe dépendait trop des marques allant de Formule 1 à Novotel. De plus, le groupe doit faire face à la concurrence des sites de réservation de logements en ligne comme Booking ou Airbnb. Il fallait donc réagir vite et bien. Grâce notamment à l’argent dégagé par le parc immobilier, le groupe AccorHotels va donc pouvoir se renforcer dans le haut de gamme qui est moins touché par ces plate-formes.
Par ailleurs, il va pouvoir se diversifier en-dehors de l’Europe, histoire de suivre la croissance là où elle est. En fait, Sébastien Bazin a très bien compris que plutôt d’immobiliser des milliards d’euros dans de la brique, il faut au contraire vendre cet immobilier et utiliser cet argent pour changer le modèle économique de son groupe.
C’est un visionnaire. Au fond, comme le remarque avec finesse Le Monde, son groupe hôtelier s’inspire d’une de ses marques Jo & Jo, un label hôtelier dont les chambres sont à géométrie variable. Autrement dit, le client peut changer la configuration des pièces. Il est ainsi possible de transformer une chambre individuelle en suite familiale. Bref, c’est une manière de montrer que dans un environnement mouvant comme celui d’aujourd’hui, les entreprises qui gagnent la course sont aussi celles qui bougent et se réinventent sans cesse. A l’ère du numérique, changer n’est plus une option, c’est une question de survie.