Leonard de Vinci est sans doute l’un des hommes les plus doués de tous les temps. Mais est-ce une raison pour vendre l’un de ses tableaux pour 450 millions de dollars, soit 382 millions d’euros ?
La question s’est posée cette semaine lorsque son tableau – le Salvator Mundi ou Sauveur du Monde – est devenu le tableau le plus cher du monde battant à très plate couture le record précédent enregistré par Les Femmes d’Alger de Pablo Picasso qui ne s’est vendu « que » pour 179 millions de dollars en 2015.
Les amateurs d’art diront que Leonard de Vinci est l’un des plus grands peintres de tous les temps, à égalité avec Michel-Ange. Mais ici on ne parle pas de la Joconde, mais bien d’un des tableaux les moins réussis de Leonard de Vinci, un tableau qui était très abîmé et a été restauré très lourdement à hauteur de 80% de la toile ! D’où la question: ce tableau vaut-il vraiment 382 millions d’euros ?
Les plus optimistes diront que c’est normal, car il n’existe qu’une vingtaine de tableaux réellement attribués au maître italien et que la plupart de ces oeuvres officielles appartiennent déjà à des Musées. Pourtant, dans le cas présent, ce tableau a même été contesté par les spécialistes de l’art de la Renaissance.
« Poussés par leur ego, la plupart des investisseurs étaient sur les rangs pour tenter de décrocher cette oeuvre de Leonard de Vinci »
Mais voilà, si ce tableau est parti à un prix aussi stratosphérique, c’est aussi grâce au génie marketing de la maison de ventes aux enchères Christie’s. Cette firme a poussé la promotion de ce tableau au maximum, notamment via une tournée planétaire, un film et une campagne de pub très offensive. Le résultat ne s’est pas fait attendre: poussés par leur ego, la plupart des investisseurs étaient sur les rangs pour tenter de décrocher cette oeuvre contestée.
Au fond, le journaliste Jean-Gabriel Fredet, qui a consacré un livre à l’art et en particulier à l’art contemporain, a raison de s’interroger sur ce monde qu’il qualifie de fou, un monde où des financiers et des entrepreneurs riches à milliards paient par exemple 15 millions de dollars pour un cow-boy qui fait de son sperme un lasso – le fameux My Lonesome Cowboy de Takashi Murakami. Et comme il l’écrit en 4e de couverture (1), c’est un monde avec une bulle des prix, une bulle des ego et donc une bulle des gogos.
(1) Requins, caniches et autres mystificateurs, Albin Michel