« Polémique Macron: peut-on encore avoir une pensée autre que simpliste ? »

En France, il y a en ce moment un vrai débat sur les derniers propos du président de la République. Emmanuel Macron a dit: « On ne peut pas prétendre lutter efficacement contre le terrorisme si on n’a pas une action résolue contre le réchauffement climatique ». Décryptage.

Pour avoir lié climat et terrorisme, tous les penseurs et intellectuels de droite en France lui sont tombés dessus. Pour eux, ce genre de déclaration est un leurre pour cacher, sous une pensée supposée complexe, un laxisme à l’égard de l’islamisme et du multiculturalisme. Le philosophe bien connu Luc Ferry a été le plus mordant avec un tweet dans lequel il estime qu’Emmanuel Macron « avait franchi le mur du çon ! ».

Reprenons sans stress la question de base: y a-t-il un lien entre réchauffement climatique et terrorisme ? La réponse est claire: oui, plusieurs études, notamment américaines, le confirment. Est-ce que le réchauffement climatique explique à lui seul le terrorisme islamiste ? Non, bien entendu, mais il l’aggrave.

Déjà en 2012, Thomas Friedman, l’éditorialiste vedette du New York Times avait réalisé un reportage en Syrie. Et qu’avait-il déjà remarqué à l’époque ? Qu’entre novembre 2006 et 2011, la Syrie avait subi la plus sévère des sécheresses de l’histoire du pays, une sécheresse qui avait affecté 60% de son territoire.

À l’époque, le gouvernement de Bachar Al Assad est resté sourd aux plaintes des paysans du nord-est de son territoire. Résultat, plus de 800.000 personnes ont quitté leurs champs transformés en désert de sable pour s’agglutiner en ville à la recherche d’un improbable emploi. Ils avaient quitté leur fier métier de paysan pour des salaires de misère en ville et encore, à condition de savoir graisser la patte des fonctionnaires locaux pour décrocher un job souvent réservé aux alaouites proches du pouvoir.

Pendant ce temps, les écoles de leurs villages ont été laissées à l’abandon pendant plusieurs années, occupées par les réfugiés des guerres avoisinantes. L’une des conséquences en a été que toute une génération d’enfants est restée non scolarisée, mais hélas entourée d’hommes portant nuit et jour des armes. Comment voulez-vous que ces jeunes restent normaux dans un tel environnement de violence plus ou moins larvée ?

« Pour expliquer le terrorisme, il n’y a pas que la religion ou la géopolitique »

Bref, ce que voulait dire Emmanuel Macron, c’est que la sécheresse, cumulée à l’augmentation de la population et à sa paupérisation, cumulée aux haines cuites et recuites entre chiites, sunnites, alaouites pour occuper les bons postes, et cumulées à une jeunesse désorientée, déscolarisée, âgée de moins de 15 ans en moyenne tout en formant 30% de la population globale, et vous avez là un cocktail idéal pour l’explosion sociale.

De l’aveu même des personnes interrogées par Thomas Friedman, ces paysans sans terre, sans jobs se sont d’abord sentis abandonnés par leur gouvernement et faute d’être entendus, ils ont pris les armes aux premiers cris de « Dieu est grand ». Qu’avaient-ils à perdre puisqu’ils avaient déjà tout perdu ?

Bien entendu, on nous rétorquera qu’il y a aussi de la misère en Afrique noire et que les Africains ne se font pas exploser au milieu des foules, dans un restaurant ou une salle de spectacle. Tout cela est vrai, mais à défaut d’être l’unique détonateur du terrorisme, les esprits sereins savent que le réchauffement climatique a aggravé un feu qui couvait depuis belle lurette au Moyen-Orient. Exactement comme le printemps arabe avait démarré avec un marchand de fruits tunisien qui a vu sa cargaison être séquestrée sous prétexte qu’il n’avait pas d’autorisation pour vendre ses produits. Le marchand en question ne s’est pas immolé en public par amour d’un Dieu amoureux de sacrifices humains, mais parce que des policiers corrompus l’empêchaient de travailler, de gagner sa vie !

On le voit, pour expliquer le terrorisme, il n’y a pas que la religion ou la géopolitique. Des éléments comme l’économie (liberté d’entreprendre en Tunisie) et le climat jouent aussi leur rôle. Emmanuel Macron n’a rien dit de plus et rien de moins. Mais bon, peut-on encore avoir une pensée autre que simpliste aujourd’hui ?

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