A Liège, ville unique, il se passe toujours quelque chose. Ainsi, en ce mois de juin, on parle des coureurs du Tour de France mais aussi des brebis. Ce samedi, une centaine de moutons arrivent pour tondre les zones vertes à quelques mètres de la place Saint-Lambert.
En Belgique, le pays le plus épris du Tour de France, on recense septante-sept départs ou arrivées d’étapes depuis 1947. La prochaine édition verra Liège dépasser la capitale Bruxelles en devenant ville-étape pour la onzième fois.
Cette position au sommet de ce classement spécifique respecte le poids historique de la ville et de la Province de Liège qui accueillent chaque année au printemps la course Liège-Bastogne-Liège, la Doyenne des classiques… née en 1892 et qui fêtera donc l’an prochain ses 125 ans!
Mais si on parle vélo, on parle aussi mouton aux abords de la place Saint-Lambert. C’est que les voisins de Pierreuse, c’est-à-dire les habitants des rues Volière, Fond Saint-Servais, Péri, Favechamps, Pierreuse ainsi que la Cour des Minimes et l’escalier de la Montagne de Bueren, ressemblent à des habitants d’un village composé d’irréductibles, un peu à l’image de celui d’Astérix.
Un village où on trouve de tout, d’abord des Francs Maçons où est dressé un de leurs temples, des religieuses, de moins en moins nombreuses certes, un moine capucin, qui a été éboueur et sénateur communiste, une sorte de Panoramix.
Le Temps des cerises
Et comme dans tous les villages gaulois, le quartier de Pierreuse a son barde, disons que dans ce cas-ci, il s’agit d’une barde.
Rendez-vous est pris avec celle-ci chez Matteo, une boulangerie, située rue du Palais. Le nom de cette boulangerie à l’ancienne? Le Temps des cerises! Le pain, les croissants, les quiches, … vraiment à ne pas manquer tellement c’est bon et fabriqué avec amour d’un produit sans additif.
C’est donc là au milieu des saveurs de ces produits qui réveillent des merveilleux souvenirs et l’envie de se faire plaisir, que nous attend Christiane Stefanski, la chanteuse liégeoise. L’interprète de l’album ‘Belle saison pour les volcans’ ne change pas. Pas de doute, Christiane a conservé son franc-parler.
La dégaine affichée: une mitaine à la seule main droite, chaussures aux lacets détachés, une coiffure hirsute soigneusement faussement négligée… C’est elle, Christiane Stefanski, la chanteuse atypique. C’est elle qui nous emmène à travers les rues et impasses de Pierreuse.
La libraire Entre-Temps
Premier arrêt, l’asbl Barricade et la librairie Entre-Temps. « Barricade, c’est un espace café-librairie Entre-Temps, une revuethèque, un espace d’exposition, un Groupe d’Achat Commun, des conférences-débats, des cafés féministes, des Midis de l’égalité, des tables de conversation féministe en anglais, des rencontres littéraires, des ateliers de théâtre forum, des ateliers d’écriture mais aussi des veillées contes, des concerts, des spectacles, raconte Christiane Stefanski. La librairie propose un peu de tout mais ne vend pas n’importe quoi.»
Ensuite, la chanteuse, aux allures d’adolescente fautive, nous conduit à la Maison des Jeunes du quartier, désertée en ce mois de juin, vu les examens.
Si Christiane avait un peu de temps, elle défierait certainement l’animateur au baby-foot, mais la guide d’un jour a d’autres endroits à nous faire découvrir.
Les escaliers de Bueren
Dans les rues, on peut voir des affiches de son dernier concert aux fenêtres de plusieurs maisons. Elle salue tout le monde: l’ouvrier de la voirie, le marchand de crème glacée, le conseiller communal qui fait son jogging… Christiane Stefanski est une icône en Pierreuse.
« Je suis arrivée ici en 1981, après avoir passé ma jeunesse à Saint-Nicolas. J’aime ce quartier, il a quelque chose de particulier, voire d’unique. Tout le monde se connaît, se dit bonjour. Nous sommes très solidaires.»
Nous voilà, au-dessus des escaliers de Bueren, là où la vue sur la ville est magique. Les vestiges de la citadelle ne sont pas très éloignés. On voit des coureurs dans tous les coins.
« Les escaliers ont été élus escaliers les plus extrêmes du monde » par le magazine américain en ligne Huffington Post » , souligne Christiane Stefanski. « Au total, 374 marches et un dénivelé de près de 30% … pour le plus grand plaisir des visiteurs. C’est par ce chemin que je suis venue vous chercher, mais j’ai préféré une autre voie pour remonter.»
L’implantation de vignes
Puis, petit à petit, on arrive dans les Coteaux de la Citadelle. On remarque des jeunes, qui se racontent leur vie qui commence à peine.
« Le projet d’implantation de vignes ici est à nouveau à l’ordre du jour, explique encore Christiane Stefanski. Il s’agirait de produire un vin 100% bio, alors que le vin bio en tant que tel n’existe pas. Mais on attend ce samedi une centaine de moutons pour tondre cet endroit. Auparavant, il y a toujours eu des bergers, mais avec le temps, ils ont disparu. Ce coin est magnifique et nous sommes à Liège, en plein coeur de la Cité ardente.»
Puis subitement, la chanteuse entend des cloches et voit arriver le dernier berger avec quelques moutons et quelques chèvres. Si elle ne tombe pas à la renverse, elle en perd tout de même ses lunettes que le berger va retrouver dans les grandes herbes. Elle s’assied alors sur un tronc d’arbre et se tait.
Oui l’anti-conformiste, la femme aux allures d’adolescente fautive ne dit plus rien. Elle ne dira plus que ce qu’elle veut bien, son jardin secret est … très secret.
Sa maison n’est ouverte qu’aux rêves, aux utopies, à ses amours … N’empêche, il y a tout de même un sujet sur lequel elle reste intarissable: le quartier de Pierreuse. Alors, son regard change, son verbe se fait à nouveau plus tendre; l’anti-conformiste baisse sa garde et révèle une femme émouvante et engagée…