La Palme d’or du Festival de Cannes ne doit pas faire oublier que les deux films proposés par Netflix ont été littéralement boycottés par le président du jury. Sous prétexte de défendre les exploitants de salle de cinéma, le cinéaste espagnol Pedro Almodovar, président du jury, connu pour son avant-gardisme n’a-t-il pas fait preuve de conservatisme économique ?
La Palme d’or du Festival de Cannes a été remportée par le film suédois « The Square ». Son réalisateur Ruben Ostlund n’a pas dû feindre la surprise, car le jury du Festival présidé par le cinéaste Pedro Almodovar s’était retiré dans une villa sur les hauteurs de Cannes et dont le lieu avait été gardé secret.
Pour éviter d’éventuelles fuites auprès de la presse, les membres du jury avaient également interdiction de garder avec eux leur portable. Au final, les seuls qui n’auront pas été surpris du palmarès final sont les réalisateurs et acteurs de deux films produits par Netflix.
En soi, être sélectionné à Cannes était déjà un honneur et un gage de qualité pour Netflix, sauf que le président du jury Pedro Almodovar avait clairement indiqué qu’il n’était pas question pour lui de récompenser un film qui ne sortirait pas en salle. Ce qui revenait à bloquer les films en compétition produits par Netflix comme ils ne passent pas en salle, mais uniquement sur le site par abonnement.
Or, précisément, en France, dans le cadre de l’exception culturelle, les films sortis en salle doivent attendre un délai de 3 ans avant d’être diffusés sur un site de streaming comme Netflix, c’est ce qu’on appelle la chronologie des médias. Son but est de protéger les exploitants de salles de cinéma.
« Festival de Cannes: « Au final, Netflix remportera la palme économique »
La direction de Netflix a très mal pris cette passe d’armes publique et a rappelé à la direction du Festival qu’elle était d’abord là pour défendre les arts et non pas les exploitants de salle de cinéma. En clair, la direction du Festival de Cannes devrait être neutre sur le choix de la plateforme sur laquelle passent les films en compétition. Le PDG de Netflix a même été plus loin estimant que le lobby des salles de cinéma étrangle le cinéma et qu’en 50 ans, ils n’ont proposé aucune innovation à part la vente de… popcorn !
Du côté de la direction du Festival, la réponse a été tout aussi claire, elle a modifié le règlement pour interdire l’accès au Festival de Cannes à tout film qui ne sortirait pas d’abord dans une salle de cinéma. Ce combat est, en fait, une nouvelle version du combat entre les Anciens et les Modernes. Dans ce combat, c’est Netflix qui remportera au final la Palme économique, car ce modèle de films à la demande avec un abonnement mensuel à prix doux est plébiscité par les consommateurs.
De leur côté, les exploitants de salles de cinéma défendent la magie du grand écran et se rappellent sans doute qu’un jour Jean-Luc Godard avait expliqué que la différence entre le petit écran et le grand est simple : le grand écran vous force à lever la tête, tandis que le petit écran vous fait baisser la tête. La métaphore est belle, mais sur le plan économique, c’est sans doute Netflix qui aura le dernier mot, ce n’est qu’une question de temps.