Il y a des combats politiques qui se jouent parfois sur des mots ou des symboles. En France, l’élection présidentielle a notamment pris un tournant à cause d’une entreprise Whirlpool, à Amiens.
L’usine en question est la filiale d’une multinationale américaine qui fait 20 milliards de chiffres d’affaires par an et qui a augmenté les dividendes de ses actionnaires de 10%. Elle souhaite malgré tout délocaliser son usine d’Amiens vers la Pologne où les salaires sont plus faibles. Ce qui est paradoxal dans cette affaire, c’est que la France reste un marché très important pour cette firme, les lave-linge de Whirlpool seront donc fabriqués en Pologne, mais devront voyager mille kilomètres pour revenir sur leur marché de destination, comme le faisait remarquer Natacha Polony du Figaro.
L’espace de quelques jours, une usine de sèche-linge est devenue la métaphore de l’affrontement entre les deux derniers candidats à la présidentielle. D’un côté Marine Le Pen, qui a promis aux ouvriers de maintenir l’usine à Amiens et d’au besoin la nationaliser: ça, c’est la vision dite fermée à la mondialisation. Et de l’autre côté Emmanuel Macron qui, lui, a plutôt parlé de formation, de reclassement et de repreneurs: ça, c’est la vision dite ouverte de la mondialisation.
« Macron ne doit pas oublier qu’une très large partie des électeurs a voté pour une alternative au système économique actuel »
Voilà pour le symbole, mais il y a aussi les phrases ou les mots qui peuvent faire mal ou faire déraper une élection. Ce fut le cas avec Jacques Attali qui, croyant défendre son poulain Macron, a eu la maladresse de dire que cette histoire d’usine à Amiens n’est une anecdote. Techniquement, il a raison, mais politiquement, c’était une erreur, car elle donnait l’impression qu’une nouvelle fois, l’élite parisienne était coupée de la réalité.
Pour celle-ci, s’émouvoir du sacrifice de 286 salariés, c’est être du côté de la fermeture, donc des anti-mondialisations. Pour cette élite, tout cela n’est pas un problème, ce qu’il faut, c’est un peu de formation pour les moins qualifiés, une montée en gamme des produits fabriqués en France, et hop, le tour est joué !
Pire, Attali a enfoncé le clou sur le discours politique lié aux racines. Il a dit: « nous n’avons pas besoin de racines, nous ne sommes pas des radis ». Il n’en fallait pas plus pour que le directeur de la communication d’Emmanuel Macron dise à ce dernier de se taire et d’ajouter que les propos d’Attali n’engageaient que lui.
Une élection présidentielle ne se joue pas seulement sur un programme, le poids des mots et le choc des photos, comme disait la pub de Paris Match, jouent également leur rôle dans une campagne électorale. En d’autres termes, on peut avoir intellectuellement raison et politiquement tort.
Au final, cette ‘anecdote’ d’Amiens risque de coûter cher en points au candidat des bobos parisiens. Macron ne doit pas oublier que si l’on cumule les scores de Mélenchon, Dupont-Aignan, Lassalle, Asselineau et Cheminade, une très large partie des électeurs français a voté pour une alternative au système économique actuel. L’usine Whirlpool d’Amiens est donc tout sauf une anecdote !