Saint-Nazaire … au gré des vents !

Point de départ de notre périple à vélo, Saint-Nazaire s’est dévoilé comme un endroit surprenant, comme une cité où il est agréable de jeter l’ancre.

«Autrefois surnommée « la petite Californie bretonne » ou « la Liverpool de l’Ouest », Saint Nazaire repose entre fleuve et marais, raconte Geraldine Joigneault, qui nous héberge dans sa maison d’hôtes ‘La compagnie des 5 mondes. Cette ville d’estuaire, écotone et attachante, vit à l’ombre de ses paquebots. La vie frémissante du port avec ses grues en action constante, lui confère une atmosphère toute particulière. »

« Le portique des chantiers navals, rouge et blanc, faisant écho au pont enjambant la Loire, veille comme un amer. Cité ouverte sur le monde, cosmopolite, pleine de contraste, de lumière et d’espace, Saint-Nazaire voit naître les plus grands paquebots du monde. Derrière cette ambiance ouvrière et besogneuse se cache une ville au passé balnéaire. Jadis, Saint- Nazaire fut tête de ligne des transatlantiques en partance pour l’Amérique centrale et les Antilles. Ses bassins étaient au cœur d’une activité commerciale intense.»

Ville détruite et reconstruite, ainsi, pour renouer avec ce passé, il fait bon flâner sur le front de mer ou le long des chemins douaniers qui donnent accès à de nombreuses criques habitées par des pêcheries. Au-delà des apparences, Saint-Nazaire ouvre à une véritable rêverie sensorielle.

Pas de doute, Géraldine, ancienne institutrice, est tombée amoureuse de Saint-Nazaire, où elle s’est installée il y a une dizaine d’années avec son mari et ses cinq enfants.

DSC02427Le tourisme industriel

Et il y a cinq ans, Géraldine et son mari Stanislas ont acheté un ancien bar-hôtel et ont décidé de le transformer pour y créer des chambres d’hôtes.

«En 2012, nous étions en pleine crise économique, raconte Géraldine. Nous nous sommes heurtés à la frilosité des banques. Nous avons mis des mois pour obtenir un crédit. On s’est battus. Nous avons alors entamé les travaux pour donner une nouvelle vie au ‘Café du Pallet’.»

C’est superbe ! C’est frais, du nouveau dans de l’ancien, à l’image du café et de son bar avec de vieilles affiches au mur. Depuis son ouverture, la maison d’hôtes bat son plein.

« L’idée est d’associer tout le monde : vacanciers, gens de passage et ouvriers. À Saint-Nazaire, il n’y a pas que les plages, il y a de la place pour un autre tourisme. Nous avons plein de choses à voir, les bassins, le port, le portique. »

Le bonheur est pour demain

Géraldine et Stanislas sont des passionnés, pour preuve cette histoire extraordinaire. Les deux Nazairiens se sont focalisés durant trois ans pour Le Bonheur est pour demain, un film tourné en 1960, aux chantiers et en Brière, et sorti en 1962. Leur quête a commencé à Penhoët, le décor du film, qui est aussi leur quartier.

le_bonheur_est_pour_demain_affiche_1962« Les premières recherches ont été vaines, raconte Géraldine. Rien à l’Écomusée, ni au Centre de culture populaire où on en connaît pourtant un rayon question cinéma et monde du travail. On n’a pas pu trouver, à Saint-Nazaire, quelqu’un susceptible de nous aider. Et dans le quartier, personne n’en avait entendu parler. Finalement, nous avons trouvé le numéro de téléphone d’Henri Fabiani, le réalisateur. Il était dans l’annuaire ! On a pris notre courage à deux mains. Il a été charmant.»

Le couple est devenu incollable sur le film et rien de ce qui le concerne ne lui est étranger : l’affiche originale, les critiques de l’époque, dans Télérama notamment, le 45 t de la bande originale. Ils ont ainsi participé à tous les moments forts de cette « résurrection ». Comme la présentation du Bonheur en présence de Jacques Higelin, à Paris. Collaborateur de L’ECHO de la Presqu’île, Stanislas a raconté dans l’hebdomadaire cette soirée dédiée à un « film initiatique » qui garde « une place importante pour l’artiste ».

Il cite le chanteur : « Ce film a été extrêmement important car j’étais complètement largué et très mal dans ma peau. J’étais un adolescent désaxé, désarçonné ». Il évoque encore la rencontre déterminante sur le tournage avec Henri Crolla, ami de Prévert et musicien prodige. Higelin : « Henri m’a tout appris : la musique contemporaine, le jazz ».

Henri Fabiani

Seul long-métrage de fiction du documentariste Henri Fabiani, qui a beaucoup travaillé sur la classe ouvrière, Le bonheur est pour demain n’a pas connu un grand succès en salle. À défaut, sa ressortie en version numérique restaurée ne manque pas d’intérêt. C’est un document sur un moment particulier dans la biographie d’un artiste, dont on sait ce qu’il est devenu, mais aussi sur les chantiers eux-mêmes.

« La mise à l’eau du France filmée par Tabiani est saisissante, explique Géraldine. On ne voit plus de document montrant la difficulté de la vie ouvrière et en même temps la fierté des ouvriers lorsqu’ils voient partir leur bateau. Le France, c’est leur œuvre, leur travail. Cette histoire d’Alain (Jacques Higelin) qui vient de quitter ses parents et se retrouve perdu à Saint-Nazaire dans l’environnement du chantier naval, au moment de la construction du paquebot France est leur histoire. Il y rencontre la solidarité et la camaraderie, auprès d’un ouvrier caréneur (Henri Crolla, guitariste hors pair). Le duo formé par Jacques Higelin et Henri Crolla est irrésistible »

La Loire 4 Couëron - St-Nazaire 31Airbus

Avant d’arriver à Saint-Nazaire, il est fréquent de voir des avions Airbus décoller le long du chemin qu’empruntent les cyclistes.

« Dans le sillage des géants des mers, les paquebots des airs prennent aussi leur envol à Saint-Nazaire, souligne Géraldine. La grande aventure aéronautique est née au début des années 1920. Dans un souci de diversification d’activité de la construction navale, d’innombrables hydravions et avions à hélice ont été fabriqués au cœur même des Chantiers de la Loire, à l’image du petit chasseur Gourdou-Leseurre. Aujourd’hui, Airbus y déploie ses ailes. Le géant européen de l’aviation civile, implanté à l’embouchure de l’estuaire depuis 1970, conçoit ici les pointes avant et les fuselages centraux de toute sa gamme, dont ceux de l’A380 aux 80 mètres d’envergure. Sous les immenses hangars du bord de Loire, la production tourne à plein régime : chaque jour, deux avions sortent de l’usine ! »

Les sept boules de cristal

En entrant dans Saint-Nazaire, on ne peut louper une première fresque sur laquelle on observe Haddock au volant d’une Lincoln Zéphyr jaune. Cette première fresque reprend le dessin de Hergé où, dans Les 7 Boules de Cristal, apparaît pour la première fois le nom de Saint-Nazaire.

DSC02432Tintin et ses compagnons viennent de quitter le château de Moulinsart, à bord de la Lincoln Zéphyr jaune du capitaine Haddock. Ils vont passer d’un lieu imaginaire -mais en partie inspiré d’un monument réel, le château de Cheverny-, pour arriver dans une ville réelle : Saint-Nazaire.

« Mais cette entrée de Saint-Nazaire n’est pas celle qu’ils ont empruntée car elle n’existait pas à l’époque où ils y sont venus, raconte Géraldine, l’hôtesse des cinq mondes. Cette entrée a, en effet, été ouverte lors de la reconstruction de la ville. L’hôtel du Berry, qui marque le début de l’avenue de la République, a été l’un des tout premiers bâtiments à s’élever sur les ruines de la ville, détruite à plus de 85% par la deuxième guerre mondiale. A noter que Saint-Nazaire a été la dernière ville d’Europe libérée de l’occupant allemand : c’était le 11 mai 1945. »

Mettre ses pas dans les pas de Tintin, du capitaine Haddock et de Milou à Saint-Nazaire? Rien de plus facile! Il suffit de suivre le parcours jalonné par les six fresques reprenant les vignettes des 7 Boules de Cristal.

Bref, vous l’aurez compris, Géraldine et Stanislas ont raison: «À Saint-Nazaire, il n’y a pas que les plages, il y a de la place pour un autre tourisme. Nous avons plein de choses à voir, les bassins, le port, le portique.»

« La compagnie des 5 Mondes » vous pouvez trouver des infos sur le site internet – www.lacompagniedes5mondes.fr

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