Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Et les sourds aujourd’hui, ce sont les investisseurs internationaux.
Depuis quelques semaines déjà, et surtout depuis les déboires de François Fillon, les investisseurs internationaux ont peur d’une possible victoire de Marine Le Pen aux élections présidentielles françaises. Et cette peur se traduit par une hausse de l’écart de taux entre la France et l’Allemagne.
Autrement dit, les investisseurs se méfient de l’Hexagone et demandent un taux d’intérêt plus élevé pour la France que l’Allemagne. Cet écart de taux s’est d’ailleurs creusé ces derniers jours. En clair, il s’agit de la prime de risque que demandent les investisseurs à la France pour continuer d’acheter sa dette.
« Après le Brexit et Trump, pourquoi les experts ne se tromperait-ils pas aussi avec Marine Le Pen ? »
Cette hausse des taux ne fait évidemment pas l’affaire de l’Etat français qui devra rembourser plus d’intérêts que par le passé. C’est la raison pour laquelle Michel Sapin, le ministre des Finances français, a pris à témoin les marchés financiers en leur disant, en substance, que ceux qui parient contre la France vont perdre de l’argent. Ce qu’il veut dire par là, c’est que quel que soit la couleur politique du candidat qui sera au second tour face à Marine Le Pen, ce candidat gagnera.
Mais cette subtilité du second tour échappe aux investisseurs étrangers, qui eux se souviennent seulement que les experts leur ont prédit que le Brexit n’aura pas lieu et que Trump n’avait aucune chance de gagner les élections américaines. Ils se disent donc pourquoi ne se tromperait-on pas aussi avec Marine Le Pen…
Ce qui inquiète les marchés financiers, ce n’est pas le programme politique de Marine Le Pen, mais son programme économique, car elle préconise le retour au franc et donc la sortie de l’eurozone. Et si c’est le cas, c’est l’implosion de la zone euro.
Pour nous, Belges, qui adorons suivre la politique française, nous avons donc une double raison de le faire aujourd’hui. D’abord, par intérêt pour les rebondissements quasi feuilletonesques de cette course à la présidentielle. Et ensuite, parce que notre portefeuille nous commande de le faire.
Les Français qui veulent voter pour Marine Le Pen sont d’ailleurs également mis sous pression. En effet, le gouverneur de la banque de France a fait ses calculs: l’abandon de l’euro et un retour au franc coûterait 30 milliards par an aux contribuables français. Ce à quoi il faudra aussi ajouter 44 milliards d’euros qui correspondent au renchérissement immédiat de 20% de tous les produits importés.
Mais tout cela n’influence pas Marine Le Pen. D’ailleurs, ses conseilleurs économiques passent leur temps à dire que la France n’a pas besoin des marchés financiers pour se financer. On a beau écarquiller les yeux quand on entend cela, rien n’y fait, le Front National est sûr de son programme. La conseillère en communication de Donald Trump couperait court à toute discussion de ce genre en disant que c’est une… vérité alternative. Bref, un truc qui ne se discute pas !