Voyage d’affaires en train : d’énormes atouts mais encore beaucoup de freins

En Europe, le train reste le mode de transport préféré des voyageurs d’affaires. Qonto, leader européen de la gestion financière pour les PME et les indépendants, a récemment dévoilé son troisième rapport portant sur les habitudes de dépenses de ses 500 000 clients en France, en Allemagne, en Italie et en Espagne.

En comparant la répartition des réservations de billets de train et d’avion, l’étude a révèlé qu’à travers ces 4 marchés étudiés, les voyages en train ont représenté 70 % des transactions effectuées pour des déplacements professionnels au premier trimestre 2024. Cependant, les réservations d’avion ont connu une augmentation plus forte d’une année à l’autre en comparaison au train (+55 % contre +41 %). Si l’on peut se féliciter de la reprise du business travel, faut-il dans le même temps regretter une évolution qui ne semble pas aller vers plus de décarbonation ?

De nombreux éléments de réponse ont été fournis par les intervenants d’une après-midi d’information, d’échanges et de réflexion sur la place du train dans les voyages d’affaires, co-organisée récemment au Delta à Namur par Back on Track Belgium asbl (*), Canopea et la Cellule Mobilité d’AKT for Wallonia (ex-UWE). Un événementt soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles et placé sous les auspices de la présidence belge du Conseil de l’Union Européenne.

Les intervenants ont en effet insisté pour la plupart sur la dimension durable du train. Béatrice Schobbens (AKT Wallonia) a ainsi conseillé d’évaluer la situation, mentionnant différents outils à la disposition des entreprises : le bilan carbone, le bilan mobilité de la Cellule Mobilité, le Travel Scan du Climate Neutral Group ou tout autre outil de suivi interne.

Béatrice Schobbens (AKT Wallonia)

Il faut ensuite concevoir une stratégie, notamment selon le principe d’approche de durabilité environnementale « Avoid-Shift-Improve ». La mettre en œuvre, a poursuivi Béatrice Schobbens, passe par des objectifs chiffrés, par l’adoption d’une travel policy, en sensibilisant, en utilisant un calculateur d’impact, etc.

Jean Mansuy, chargé de mission chez Canopea a listé pour les participants les outils à leur disposition pour organiser leur voyage international en train et ceux qui permettent de calculer les émissions de CO2 générées par les voyages.

Canopea, ainsi que Bond Beter Leefmilieu et Climate Neutral Group, ont lancé ensemble l’idée de créer un réseau de Business Travel Pionneers en Belgique, rassemblant entreprises, universités et organisations décidées à s’engager officiellement (via une charte) à réduire leurs émissions de CO2 liées aux voyages d’affaires. La communication de leurs actions passe par l’organisation de workshops et du networking, la mise à disposition sur une plateforme en ligne d’un guide de mise en oeuvre, de témoignages et d’outils.

L’organisation de cet après-midi se voulait participative ; le public a donc été invité à s’exprimer. Florilège de réflexions et commentaires :

. « Promouvoir les voyages d’affaires en train est compliqué parce qu’il n’y a pas encore assez de trains de nuit, mais aussi parce que la qualité des voitures n’est pas toujours au rendez-vous. Souvent, les wagons sont très anciens et fort éloignés du confort de certaines rames modernes. »

. « Le train a un gros avantage par rapport à l’avion : on peut facilement y travailler et dans de bonnes conditions. Surtout si l’on voyage en première classe. Si l’on réserve son billet bien à l’avance, la différence de prix pour la première classe n’est pas excessive. »

. « Le train permet de partir d’un centre-ville et d’arriver dans un autre centre-ville. C’est une différence notoire par rapport aux avions. Le confort y est aussi meilleur (surtout pour les grands gabarits !) et le temps passé peut être facilement rentabilisé en travaillant. En voyageant de nuit, on économise aussi la nuit d’hôtel. Raison pour laquelle, le critère du prix devrait être mieux analysé. »

. « Un frein identifié par mon entreprise pour les voyages en train de nuit est la question de la sécurité quand une femme voyageant seule doit partager sa cabine avec des inconnus. On parle aussi de la sécurité de l’ordinateur lorsque celui-ci contient des informations sensibles. »

. « Pour le secteur public, il est difficile de choisir de voyager en train à cause du critère du prix. Dans les choix que nous opérons, nous sommes tenus par des directives administratives de choisir le mode de transport le moins cher. Et à ce jeu, le train ne remporte jamais la bataille même si pour l’avion, il faut y ajouter ensuite les autres frais (bagages, liaisons vers les aéroports, etc.)».

Ombudsrail, le service de médiation pour les voyageurs, dont s’est doté la Belgique pour les voyageurs ferroviaires, a pour sa part mis l’accent sur le problème lié aux correspondances manquées.

Jean-Marc Jeanfils

Son médiateur francophone Jean-Marc Jeanfils a présenté aux participants deux procédures méconnues de la plupart des utilisateurs des trains internationaux, lorsqu’une correspondance est manquée.

Il faut savoir en effet que les entreprises ferroviaires pratiquent la « segmentation des contrats » ; autrement dit, elles ne s’estiment responsables que de la partie de l’itinéraire du voyage qu’elles-mêmes exécutent, même si le voyageur a réservé l’ensemble de son itinéraire auprès d’un seul vendeur et dans le cadre d’une transaction unique. Lorsqu’un retard de train empêche le voyageur de prendre la correspondance prévue pour poursuivre son trajet, il est souvent obligé de booker un nouveau billet. Les tarifs des voyages en train étant déjà élevés, ce risque décourage souvent les entreprises dans le choix de l’option train pour les voyages d’affaires.

Les deux procédures auxquelles les voyageurs peuvent recourir sont les suivantes :

. HOTNAT (pour Hop on the next available train), comme son nom l’indique, est une procédure permettant aux voyageurs qui manquent leur correspondance avec un train à grande vitesse de l’alliance Railteam (DB, SNCF, SNCB, Eurostar, NS International, ÖBB, SBB et TGV Lyria) de pouvoir prendre sans frais supplémentaires le prochain train à grande vitesse de cette même alliance pour l’emmener à destination. Toutefois, sans garantie de place assise…

. AJC (pour Agreement on Journey Continuation) est un accord entre 15 entreprises ferroviaires européennes (BLS, CD, CFL, DB, DSB, SNCB, NS, ÖBB, Renfe, SJ, SBB/CFF/FFS, SNCF, SZ, Trenitalia, ZSSK) permettant aux voyageurs ferroviaires internationaux de prendre le prochain train disponible (aussi bien trains à grande vitesse que trains intérieurs) sans frais supplémentaires s’ils manquent leur correspondance. Pour en bénéficier, le voyageur doit cependant avoir prévu, lors de sa réservation, un temps suffisamment long pour sa correspondance. Ici non plus, il n’y a pas de garantie de places assises.

Le problème de ces deux procédures ? Elles sont très mal connues, même au sein du personnel ferroviaire. Les informations sont difficiles à trouver, parfois contradictoires et surtout non contraignantes puisque relevant non pas d’obligation de service, mais plutôt de gestes commerciaux des compagnies ferroviaires.

VDM

(*) Back on Track Belgium est un collectif de citoyens, branche belge d’un réseau européen, qui œuvre à l’amélioration du trafic ferroviaire transfrontalier et se bat pour le retour des trains de nuit. Son action s’inscrit dans la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur du transport en reportant, notamment vers le rail une partie des déplacements. Pour des distances entre 800 et 1.500 km, ce dernier peut s’avérer compétitif par rapport à l’aérien.

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