Le secteur du transport aérien devrait battre un record en 2024 avec cinq milliards de passagers et environ 1 000 milliards de revenus, selon les prévisons de l’Association internationale du transport aérien (IATA). Soit la meilleure année de son histoire. Autant le reconnaitre : le flygskam – la honte de voler – ne concerne qu’une toute petite minorité.
La prise de conscience environnementale est bien là quand on interroge les gens, mais peine à se traduire en acte. Un rappel d’abord : quatre habitants sur cinq sur notre planète n’a jamais pris l’avion ! Un constat : la croissance du trafic aérien est portée par la région Asie-Pacifique où le recours à l’avion est encore bien moindre qu’en Europe ou en Amérique du Nord, où les niveaux restent très élevés (sur le Vieux Continent, le secteur atteint aujourd’hui quasiment ses chiffres de 2019). Le patron d’IATA, Willie Walsh, s’insurgeait pourtant, ce lundi, contre l’accord passé par la présidence belge du Conseil européen, s’étonnant que seule l’Europe veuille “arrêter notre croissance, je n’entends ce discours nulle part ailleurs”.
Au-delà de cette mobilisation à géométrie variable dans la lutte contre le réchauffement climatique, on ne peut qu’être impressionné à la fois par la vitesse de la reprise du secteur depuis la crise sanitaire, et par la dynamique du transport aérien sur le long temps, surtout quand on se rappelle que le trafic aérien a atteint le premier milliard de passagers en 1990 et la barre des 4 milliards en 2017 !
Au rythme prévu de la croissance du trafic, le cap des 9 milliards de passagers devrait être franchi d’ici 2045. On peut d’ailleurs s’en convaincre en voyant les commandes passées auprès des constructeurs aéronautiques (le carnet de commandes d’avions commerciaux atteint aujourd’hui un niveau record de 15 700 appareils), telles celles XXL des compagnies indiennes Indigo et Air India, et les projets aéroportuaires ; les Pays du Golfe en sont un bon exemple, de la toute nouvelle plateforme Hamad International de Doha jusqu’au futur aéroport Al Maktoum de Dubai.
Bref, la nouvelle ne fera pas plaisir à tout le monde, et notamment à ceux qui préconisent la sobriété et invite à moins prendre l’avion. D’autant qu’il apparait illusoire de demander aux gens de moins prendre l’avion autrement que sur la base du volontariat. L’ingénieur Jean-Marc Jancovici (Shift Project) avait proposé une limite de quatre vols par vie par personne, dans une démarche volontairement provocatrice. Le débat aura fait choux blanc.
Or, aujourd’hui, le transport aérien compte pour 3 à 5% des émissions de gaz à effet de serre, ce qui est déjà loin d’être négligeable. Les compagnies aériennes font pourtant valoir que leurs profits élevés (*) et la bonne santé globale du secteur leur permet d’investir plus rapidement dans une flotte plus moderne. Le carburant non-fossile est encore cher et rare (il ne représente que 0,5% de la consommation globale aujourd’hui). Et on peut parier que la route vers les 65% de SAF à l’horizon 2050 sera parsemée d’embuches.
Sur l’autre pilier de la décarbonation, la technologie, de l’avion à hydrogène au moteur “ultra-frugal”, leurs premiers impacts ne sont pas attendus avant 2035, et se feront sentir de manière très progressive. Sur le sujet, il va falloir apprendre la patience…
(*) les bénéfices nets des compagnies membres de l’IATA devraient dépasser les 30 milliards de dollars en 2024