Le tourisme spatial va-t-il enfin décoller ? Connaître un semblant de démocratisation ? Laquelle serait bien sûr toute relative, vu les tarifs pratiqués ne serait-ce que pour admirer la courbe de la terre et profiter de quelques minutes en apesanteur…
Virgin Galactic, dans le cadre de sa mission Galactic 02, a envoyé, début août, trois touristes dans l’espace, chacun ayant dépensé la somme de 250 000 dollars. 700 billets ont déjà été vendus à ce tarif pour une telle escapade spatiale à bord du vaisseau de la société de Richard Branson. Les prix ont été relevés cette année, passant à 450 000 dollars. Et une centaine de personnes se sont déjà laissés convaincre malgré ce nouveau tarif…
Ainsi, Virgin Galactic a déjà vendu plus de billets que le nombre total de gens (près de 700 dont de rares touristes) s’étant déjà rendus dans l’espace. Et le choix d’Aurora Flight Sciences, filiale de Boeing, comme fournisseur d’avions porteurs, doit lui permettre d’effectuer davantage de vol. Virgin Galactic prévoit, à terme, de réaliser 400 vols par an…
Blue Origin a elle aussi transporté l’an dernier ses premiers touristes à bord de son vaisseau spatial New Shepard, là encore pour la bagatelle de 250 000 dollars. Et la société de Jeff Bezos a également des objectifs ambitieux pour les prochaines années.
Peut-on d’ailleurs réellement parler de l’espace pour les vols de Virgin Galactic et Blue Origin ? Leurs vols sont en effet suborbitaux, « aux frontières de l’espace », soit au niveau de la ligne de Kármán qui définit la limite entre l’atmosphère terrestre et l’espace, à environ 100 kilomètres d’altitude (les avions, eux, volent à environ 10 km d’altitude).
Au delà de cette frontière, on parle de vols orbitaux. Et évidemment, les prix s’envolent ! Ils supposent en effet au moins un tour de la Terre. Space Adventures avait envoyé ainsi huit touristes dans l’espace de 2001 à 2009, le premier d’entre eux, Dennis Tito, ayant déboursé 20 millions d’euros pour séjourner une semaine dans la station spatiale internationale (ISS). Aujourd’hui, deux entreprises misent sur les vols orbitaux, SpaceX et Axiom Space. Avec la mission Inspiration4, SpaceX, l’entreprise d’Elon Musk, a déjà envoyé l’an dernier deux femmes et deux hommes en orbite pour un séjour de trois jours, sans amarrage à l’ISS, ceci pour quelques dizaines de millions de dollars.
La start-up Axiom Space a pour sa part vendu un vol privé à bord du vaisseau Crew Dragon de son partenaire SpaceX l’an dernier, envoyant quatre touristes sur l’ISS, un voyage de dix jours proposé pour 55 millions de dollars… somme à laquelle il faut ajouter 35.000 dollars par jour pour l’usage de certains équipements de la station (air, sanitaires, électricité…). Cofondée par Michel Suffredini, ancien directeur des programmes de l’ISS, Axiom veut désormais offrir des vols habités vers la station internationale au moins deux fois par an.
Etape suivante dans les cartons d’Axiom Space et SpaceX : organiser des vols d’une dizaine de jours autour de la lune. Un vol privé Dearmoon autour de notre satellite, financé par le millardaire japonais Yusaku Maezawa, était prévu cette année. Mais le vol a du être annulé car la fusée n’était pas au point.
Bref, les projets se succèdent sur ce marché estimé par la banque UBS à 4 milliards de dollars de revenus par an à l’horizon 2030.
L’impact écologique est bien sûr l’aspect le plus choquant, à l’heure où l’on invite le commun des mortels à préférer le train à l’avion. Le New Shepard de Blue Origin a le mérite d’utiliser un carburant à base d’hydrogène et d’oxygène liquide. Le vol aller-retour de Virgin Galactic avec son carburant hybride, lui, émettrait autant qu’une voiture faisant un tour du monde… Beaucoup moins pourtant qu’un voyage avec SpaceX, soit l’aller-retour entre la Terre et l’ISS, émettant 43 fois plus de CO2… Et l’on ne parle pas du voyage autour de la Lune avec Starship, lequel émettrait autant que 138 fois tours du monde en voiture…
Peut-être le plus vertueux est le projet de ballon des sociétés toulousaines Stratoflight et Expleo, dont les premiers vols commerciaux sont prévus pour 2025. La capsule monterait jusqu’à 35 kilomètres d’altitude. Et elle serait flanquée d’un balcon où l’on pourrait admirer les courbes de la Terre en combinaison spatiale. Mais là encore, à 200.000 euros, le prix reste hautement sélectif…
Autre projet de ballon, celui de la start-up américaine Space Perspective. Les huit passagers du vaisseau Neptune, après deux heures d’ascension (et avoir déboursé environ 125 000 dollars) profiteront d’une vue époustouflante à une altitude de 100 000 pieds (30km).
Vu ses tarifs, le tourisme spatial semble donc réservé à des personnes très fortunées. La Nasa ou Roskosmos estiment pour leur part que le tourisme spatial dégage de nouveaux moyens pour leurs autres projets, notamment scientifiques. Au point que la première a déjà noué des partenariats afin de concevoir trois stations privées en orbite basse d’ici 2030, avec l’idée d’y accueilir aussi des touristes.
La hausse du nombre de touristes spatiaux va-t-il faire fortement baisser les prix, comme on l’a vu ces cinquante dernières années dans le transport aérien ? Possible, d’autant que la croissance du tourisme spatial est amenée à être spectaculaire : le cabinet Northern Sky Research table sur un trafic passagers orbital et suborbital de 57 000 personnes d’ici à 2031…
Rassurons les 99,9% de la population mondiale qui ne pourront jamais s’offrir un tel voyage : il existe bien d’autres moyens beaucoup moins onéreux pour appréhender les beautés de l’espace. On peut bien sûr visiter le Kennedy Space Center en Floride ou le Centre spatial de Kourou en Guyane, ce qui nécessite quand même un petit budget… On peut aussi mettre le cap sur la Cité de l’Espace à Toulouse. Notre option numéro un : l’Euro Space Center, le parc à thème de Transinne spécialisé dans l’espace. Les astronautes en herbe peuvent même y séjourner plusieurs jours, dans le cadre de l’Astronaut Camp. Le stage est proposé à partir de 279 euros…
