Le World Explorer amarré à São Roque, Pico.

Rien de tel que le bateau pour s’offrir un tour d’horizon de l’archipel des Açores à l’extrême bout occidental de l’Europe, presque à mi-chemin entre notre continent et l’Amérique. 9 îles dont nous découvrirons 5, de la plus animée à la plus paisible, mais toujours à la rencontre d’un univers qui ne semble guère avoir changé au cours des siècles. Embarquement immédiat.

Le World Explorer. Il porte bien son nom ce yacht d’expédition affrété par Rivages du Monde pour explorer les océans du monde au fil d’itinéraires qui se succèderont d’avril à novembre 2024 en passant par les deux pôles ou presque. Croisières culturelles et croisières d’expédition sont au menu de ces séjours dans un navire qui accueille au maximum 180 passagers (nous n’étions que 140) avec quelque 125 membres d’équipage, de quoi assurer un service 5 étoiles. Une intimité qui permet la convivialité et le partage des expériences tout en offrant le confort de cabines toutes extérieures et la plupart avec un balcon, un salon d’observation à la proue du bateau avec une vue à 180°, une piscine d’eau de mer chauffée avec 2 bains à remous bordés de transats et au dernier pont, le pont 8, une piste de course ou de marche à pied de quelque 800 mètres, de quoi se dérouiller les jambes durant les jours de navigation. Sans oublier la qualité des repas servis à table accompagnés de vins au choix, les jeux mis à la disposition des passagers, les conférences qui décodent les destinations, les soirées jazzy au bar ou encore les mini récitals improvisés du directeur de croisière dont la voix de baryton surprend d’abord puis émeut les passagers…

Marché aux fruits, parterre de fleurs et jacarandas mauves, tout invite à la flânerie à Funchal

C’est à Funchal sur l’île de Madère que nous attend notre bateau sous un grand ciel bleu qui invite déjà à l’exotisme en ce printemps qui se laisse désirer sur le continent. Une journée pour découvrir les charmes de l’île aux fleurs ou tout simplement sa capitale où une féerie de couleurs et de parfums anime son centre en jonchant le sol pavé de mosaïques de pétales bleus des jacarandas. Couleur qui éclate aussi au marché, le Mercado dos Labradores, où les brassées de fleurs débordent des vanneries. Les fruits et les légumes s’entassent joliment dans des paniers à osier et leur exotisme surprend à ces latitudes : maracujas dorés, mangues juteuses, tomates d’arbre, goyaves mauves, petites bananes tendres, papayes oblongues, etc….

Le World Explorer met le cap vers l’archipel des Açores en fin de journée et ce n’est qu’au terme de 24 heures de navigation que nous atteindrons notre première île, le temps d’acquérir le pied marin et d’apprivoiser tous les espaces du navire. Certains auront à gérer le mal de mer, rien de tel pour y faire face que les bracelets anti-nausées efficaces pour les femmes enceintes et depuis vendus en pharmacie pour contrer également toutes les formes du mal de voyage. On en a fait l’expérience !

São Miguel, l’île la plus vaste

La vaste place Gonçalo Velho Cabral à Ponta Delgada.

On raconte que cette grande île offre un concentré de tout l’archipel entre lacs, caldeiras, plages et paysages exceptionnels. Comme nous découvrirons d’autres îles plus spécifiques, nous avons choisi de nous offrir un tourisme urbain à la découverte de Ponta Delgada, la capitale de São Miguel depuis 1546.

Construite autour d’une baie naturelle, elle aligne derrière son front de mer un peu gâché par des constructions modernes un quadrillage de venelles avec de belles façades blanches serties de basalte pour encadrer les fenêtres. Toutefois deux belles places s’ouvrent sur l’horizon marin dont la plus majestueuse est la Gonçalo Velho Cabral du nom du découvreur de l’île. Sa statue s’élève face aux Portes de la Cité, trois arches ouvertes sur la mer mais aussi sur la haute façade de l’église São Sebastian et son élégant portail manuélien en calcaire blanc. Le quartier historique est quadrillé de rues pavées de mosaïques en galets noirs et blancs qui rappellent les boulevards de Lisbonne.

Il faut aussi prendre de la hauteur et grimper jusqu’à la chapelle da Mãe de Deus, élevée au 19 ème siècle sur l’emplacement d’un bastion militaire au cœur d’un petit parc qui offre une vue imparable sur la ville historique et sa périphérie urbaine plus moderne, scandée de quelques hauts buildings.

Un jardin public apprivoisé par les étudiants à Ponta Delgada

Ponta Delgada se révèle une petite capitale dynamique d’autant qu’elle abrite le gouvernement régional des Açores et l’université. Les étudiants s’éparpillent dans les jardins et les parcs dont le plus vaste est le jardin botanique Antonio Borges planté de nombreux arbres exotiques dont un figuier élastique originaire d’Inde. Ses racines telles d’énormes tentacules qui jaillissent de toutes parts s’étalent en une immense corolle qui semble prendre vie.

Graciosa, l’île blanche

La ligne blanche des maisons de Praia contraste sur le vert des collines auxquelles le village est adossé

Véritable jardin d’Eden, cette île, la seconde plus petite de l’archipel avec ses 12 km de long et 8 km de large, compte à peine 4000 habitants répartis entre quatre villages. C’est à Praia qui porte bien son nom de « plage » que nous aborderons. D’emblée on est séduit par la ligne blanche et basse des maisons serrées les unes contre les autres pour souligner le front de mer avec à l’arrière-plan les collines vertes arrondies, entre damiers de bois feuillus, de prairies et de cultures de céréales. Ici on vit lentement et les seuls embouteillages sont ceux causés par les vaches qui envahissent les routes quand on les conduit à l’étable. Il n’est pas rare non plus de croiser un paysan sur sa charrue tirée par un âne, une espèce endémique ici.

On s’arrêtera à Santa-Cruz où quelques femmes qui ont vu arriver notre bateau ont installé sur la place du village leur humble artisanat, entre confitures de raisins, brassières tricotées et petits napperons crochetés. Une belle occasion de bavarder avec elles qui souhaitent que leurs enfants quittent l’île au terme de leurs études car hormis l’agriculture, rien ne les attend à Graciosa. Pourtant le tourisme a de beaux jours ici durant la belle saison d’autant que plusieurs moulins dits flamands (jadis ils furent importés par des migrants d’origine flamande, venus aussi avec leurs vaches laitières) se reconvertissent peu à peu en logis d’étape pour les randonneurs qui s’installent sur l’île. Avec leur dôme rouge et leur tour blanche édifiée sur un socle de pierre, ils ont fière allure.

De jolis moulins flamands colorent le paysage de Graciosa avec leur dôme rouge.

Graciosa n’en est pas moins une île volcanique comme les autres et on y trouve même la plus vaste grotte volcanique d’Europe avec un plafond en voûte parfaite qui chapeaute un lac d’eau froide, la caverne de la Furna do Enxofre, à savoir la caverne de soufre qui se libère imperceptiblement de divers points du sol de la grotte. On y accède aujourd’hui par un escalier en colimaçon de 183 marches et non plus en rappel comme le fit le Prince Albert I de Monaco. Quant aux abords sauvages de l’île, ils sont dessinés par des roches noires luisantes sous les assauts de la houle qui explose en jetant des vagues d’un bleu électrique bordées d’écume blanche.

Faial, l’île bleue

Ce sont les hortensias qui y fleurissent partout durant la belle saison qui lui ont donné son surnom mais aussi le pastel qu’on y cultiva jadis et qui durant deux siècles représenta le principal support de la croissance économique de l’île. Aujourd’hui Horta sa capitale nous accueille sous une pluie drue et les sommets de l’ile sont noyés dans une brume épaisse. Il faut croire que le célèbre anticyclone des

Açores que nous apprécions tant s’approche du continent européen laissant l’archipel au cœur d’une dépression mouillée. Une chose est sûre, pour le voyageur qui choisit les Açores comme destination de vacances, le climat y est capricieux.

A Horta la façade de l’église de São Salvador rehaussée de pierres de lave domine toute la rade.

Nous nous contenterons de la visite de Horta qui a connu une époque dorée quand la situation exceptionnellement protégée de son port lui valut de servir d’escale durant des siècles aux différents navires qui sillonnaient l’Atlantique. De plus grâce à sa localisation, l’île s’est transformée en un centre névralgique de télécommunications. Le premier réseau de câbles télégraphiques sous-marins amarrés à Horta est inauguré en 1893 et c’est en 1915 qu’on y construira l’Observatoire météorologique.

Le môle de la marina de Horta, une véritable galerie d’art en plein air.

Malgré la pluie, la petite ville s’avère pittoresque avec ses trois églises hautes et grandioses qui dominent les maisons. Leurs façades rehaussées de pierres de lave sont toutes tournées vers la mer. Sur les hauteurs se dresse la fière tour de l’horloge jadis accolée à une église ravagée par un incendie. Aujourd’hui elle est cernée par un joli parc verdoyant qui offre une belle vue à la fois sur la ville et l’horizon marin mais aussi sur les collines tapissées de parcelles de terre encadrées par des murets de basalte, aujourd’hui écrasées par un ciel plombé….

Il nous reste à nous réfugier au célèbre Peter Café Sport, un vieux bistrot de marins tapissé de pavillons offerts par des matelots du monde entier. La marina, sans doute la plus colorée des Açores, aligne un môle mythique qui se visite comme une galerie d’art en plein air, avec les souvenirs de leur passage qu’y laissent encore les équipages des navires et des voiliers au fil des ans.

Ambiance bavarde dans le bistrot du Peter Café Sport

Pico, l’île noire

La plus montagneuse mais aussi la plus jeune des îles de l’archipel, formée il y a quelque 300000 ans surgit à 7km à peine de sa voisine Faial. La richesse minérale des sols de lave va encourager les planteurs de pastel à coloniser cette île qui peu à peu deviendra le verger des propriétaires installés à Faial. C’est pourtant la culture de la vigne qui va donner son essor à l’île grâce au travail des insulaires qui ramasseront les pierres de lave éparpillées pour dresser des longues lignes de murs de basalte noirs pour encadrer des petits enclos appelés currais accolés les uns aux autres. Les ceps de vigne y seront ainsi protégés du vent et des embruns. De plus la pierre noire redistribue durant la nuit la chaleur emmagasinée pendant la journée.

Ce paysage modelé par l’homme d’une beauté insolite est le meilleur témoignage d’une pratique qui se maintient encore et a été salué en 2004 par l’Unesco comme paysage viticole remarquable. Ce vaste réseau de parcelles est contigu à des caves à vin, des entrepôts, des petites maisons qui affichent également des façades noires construites avec des pierres volcaniques. On raconte ici que si on alignait toutes les pierres ramassées sur l’île pour construire ce paysage-mosaïque on ferait deux fois le tour de l’Equateur….

Le paysage viticole mosaïque de currais classé par l’Unesco à Pico.

L’île possède également à São Roque do Pico un intéressant musée installé face à la mer dans l’unique usine baleinière de l’archipel qui occupa une grande partie de la population de 1876 à 1987. En effet la chasse açorienne y était artisanale, l’approche se faisait sous voile et le harponnage manuellement. Les baleines qui étaient en fait des cachalots étaient remorqués par bateau jusqu’au vaste parvis devant l’usine où ils étaient échoués puis débités pour les transformer : la graisse fondue dans des chaudières donnait de l’huile, le foie pressé procurait des vitamines, la viande moulue devenait farine pour l’alimentation des animaux et les os broyés de l’engrais. La façade de l’usine toujours surmontée de sa haute cheminée annonce clairement les résultats de la transformation et le nom de la coopérative.

La façade de l’ancienne usine baleinière de l’archipel installée à São Roque, sur l’île de Pico.

Terceira, l’île violette

Nous aurions dû aborder à Santa Maria pour boucler notre périple mais les conditions météorologiques se dégradant toujours davantage, il était exclu de mettre des chaloupes à l’eau pour emmener les passagers sur l’île. Le commandant du bateau a donc décidé de nous emmener sur la façade sud de l’île Terceira, à Praia da Vitória, qui se découvre comme une charmante petite ville balnéaire avec une immense plage de sable marron bien abritée derrière le port de plaisance. Si ce n’est que sous la pluie nous ne traverserons qu’une ville déserte.

Pourtant Terceira passe pour être l’île de la fête aux Açores, toutes organisées par les différentes communautés de l’île lors de la St-Jean et des Touradas a Corda, des lâchers de taureaux dans les rues des villages. Quant aux lilas mauves qui lui donnent son surnom, nous n’en verrons aucun. Nous retiendrons cependant les deux belles façades colorées des églises de Praia, une jaune et blanche, celle de Santa Cruz et l’autre bleue et blanche, celle de Senhor Santo Cristo das Misericordias, tout comme son lacis de venelles pavées et bordées de maisons anciennes dont les fenêtres sont souvent protégées par des grilles.

Le port de plaisance bien abrité de Praia da Vitória, avec vue sur la plage et les collines verdoyantes de l’île de Terceira.

Fin d’une croisière d’une dizaine de jours avec un retour vers Porto, soit deux jours de navigation, de quoi observer les colonies de dauphins qui surgissent inopinément pour sauter dans les vagues creusées par notre bateau, se reposer de ce périple et surtout échanger sur le charme indéniable qui se dégage de ces îles qui sont comme autant de confettis de roches noires au milieu de l’Atlantique.

Malgré les brumes qui caressent les sommets des caldeiras, grâce aux éclaircies fulgurantes qui illuminent des prairies verdies par les pluies, on ne revient pas de là indifférent.

Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux

En savoir plus
Rivages du Monde commencera sa saison de croisières maritimes à bord du World Explorer en 2024 en proposant deux croisières aux Açores la première au départ de Porto le 20 avril et la seconde au départ de Funchal capitale de Madère le 29 avril. www.rivagesdumonde.be

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