Certains trains Eurostar roulent avec des centaines de sièges vides entre Londres et Paris et entre Londres et Bruxelles. La compagnie ferroviaire transmanche doit en effet gérer des passages en douane plus lents et longs, que n’arrangera pas l’entrée en vigueur de l‘EES désormais prévue en novembre prochain.
Sur les 900 places que compte une rame Eurostar, jusqu’à 350 seraient fermées à la vente lors des heures de pointe du matin et du soir, comme l’a révélé ces jours-ci le journal britannique The Guardian. Cette incongruité s’explique par la nécessité d’éviter des goulots d’étranglement dans les gares. Les formalités sont en effet plus longues depuis le Brexit ; les passeports des Britanniques doivent désormais être tamponés. Et il manque des agents britanniques aux frontières depuis la pandémie, comme l’a regretté Gwendoline Cazenave, directrice générale d’Eurostar Group, mardi dernier, lors d’une conférence de presse à Bruxelles officialisant la disparition prochaine de la marque Thalys. La dirigeante du groupe ferroviaire n’a d’ailleurs pas hésité à parler de quelque 30 % de temps en plus pour passer en douane.
Les passagers sont désormais invités à arriver en gare au moins 90 minutes avant le départ de leur train. Mais cela ne suffit pas, d’où la décision de limiter le nombre de passagers sur certains Eurostar. Avec des conséquences sur le plan commercial. “Notre niveau d’activité de 2022 s’est rapproché de celui de 2019 mais le passage plus long aux frontières explique en partie que nous soyons encore en retrait sur des chiffres pré-covid” regrette François Le Doze, directeur commercial d’Eurostar.
Conséquence des formalités plus longues et du manque d’agents aux frontières : les passagers arrivé plus tôt en gare se retrouvent dans les salles d’attente avec les passagers du train précédent. Or, les espaces ne sont pas extensibles dans les gares londonienne, bruxelloise, amstellodamoise et parisienne. “Encore faut-il que les agents recrutés aient de la place pour travailler”, note aussi Alain Krakovitch, directeur de TGV-Intercités et président du conseil d’administration d’Eurostar Group, rappelant l’”enjeu majeur” que représente la future entrée en vigueur du protocole EES (pour “Entry/Exit System”). Une bonne nouvelle est toutefois tombée ces jours-ci : l’Agence européenne pour la sécurité aérienne (EASA) a décidé de son report de six mois, soit à novembre prochain.
L’EES vise en effet à automatiser le contrôle aux frontières des ressortissants des pays tiers entrant dans l’un des Etats membres, dont désormais les Britanniques. Cela va se traduire par la suppression du tampon manuel des passeports, ce qui doit permettre de gagner du temps. Mais l’outil s’inscrit d’abord dans une démarche sécuritaire. Et les passagers, à l’arrivée, vont devoir se soumettre au scan de documents et à la collecte de données biométriques, soit la capture d’une image faciale et la prise d’une empreinte digitale…
François Le Doze reconnait par ailleurs des prix du billet en hausse pour compenser le manque de passagers, et pas seulement pour ces questions de passage en douane : « Nous n’avons retrouvé ce mois de décembre que 80% de la clientèle d’affaires du même mois de 2019 ». Si la préccupation croissante des entreprises pour leur bilan carbone joue plutôt en faveur du train, la notion de « voyage essentiel » s’est imposée dans le voyage d’affaires. Et le recours plus courant à la visioconférence se fait parfois au détriment des déplacements professionnels. Mais Eurostar ne prévoit pas pour autant de refonte de sa grille tarifaire.