C’en est fini pour le plus « gros porteur » de l’hôtellerie bruxelloise ! Cherchons donc à comprendre pourquoi : raisons évidentes, raisons probables, raisons cachées…
Le rêve de Manhattan
Il faut bien reconnaître que cet immeuble de 26 étages était très laid ; mais il datait de la fin des « sixties », une époque durant laquelle toutes les villes du monde rêvaient de ressembler à Manhattan. C’est d’ailleurs le nom que l’on donna à ce quartier dont le Sheraton et le « Martini Center » étaient les premiers emblèmes ; le reste devait suivre, selon le projet élaboré par Charly De Pauw et consorts.
Dans d’autres quartiers, le Wesbury et l’ancien Hilton, celui du Boulevard de Waterloo, datent plus ou moins de la même époque, mais le premier fut démoli et le second a changé de nom.
US don’t go home
C’était aussi l’époque où l’on misait tout sur les Américains : le SHAPE s’était installé chez nous, l’OTAN suivit quand De Gaulle n’en voulut plus. On pensait que les enfants de l’oncle Sam allaient débarquer en masse.
La Sabena n’allait qu’à New York, mais rêvait de Chicago : elle reçut d’abord Atlanta comme deuxième escale. Une belle époque, mais c’est sans doute la nostalgie qui me fait dire cela.
Un indispensable outil de travail
Professionnellement, le Sheraton Bruxelles était un outil de première importance pour le secteur réceptif de Bruxelles. Non seulement parce qu’il offrait près de 500 chambres, qu’il fallait remplir tous les jours, ce qui donnait lieu à des bagarres homériques entre les agences orientées MICE et le brave père Scheers qui y plaçait ses groupes pour quelques centaines de francs belges : les clients hispaniques pour la plupart bénéficiaient alors des chambres les plus vastes de la ville : 25 m², avec par exemple un service de cirage des chaussures qui fonctionnait de nuit ! Et ils y côtoyaient les congressistes qui avaient déboursé 5 fois plus pour la même chambre.
La belle équipe de la belle époque
Le Sheraton, s’était l’assurance de pourvoir loger de grands groupes dans le domaine des conférences. Les salles étaient nombreuses, avec lumière du jour. Tout le 2e étage était consacré à cet espace conférence, et la salle Horizon du 26e étage servait parfois de restaurant, parfois de « boîte de nuit », au gré des directeurs de l’hôtel et de la demande des clients.
La belle époque, c’était quand l’équipe commerciale acceptait toutes nos demandes, parce que nous travaillions en symbiose. Christophe Verstraete m’appelait tous les matins, donc forcément on pensait tous les jours à cet immense bateau. Marie-Paule van de Velde fut une Directrice estimée et respectée de tous, une grande hôtelière.
Alors, qu’est-ce qui a foiré ?
Cela fait des années que j’entends dire : le groupe ne veut pas investir en rénovations, parce que l’hôtel est de toute manière amorti, et un jour ou l’autre il faudra bien le démolir. Et puis, il faut bien dire que l’architecture-tour ne fait plus rêver personne : on cherche le design ou les boutiques-hôtels. Il y a aussi le management, qui a commis une série d’erreurs dont je fus moi-même victime : quand un hôtel contacte votre client derrière votre dos, et lui accorde en direct ce qu’il vous a refusé la veille, il ne doit plus s’attendre à une franche collaboration.
La dernière victime de ces terribles 15 derniers mois
Et enfin, on ne m’enlèvera pas de l’esprit que notre glorieux piétonnier, cette belle zone de promenade estivale, propre et fleurie qu’on nous dépeint, n’a pas contribué à enfoncer le clou qui avait fait très mal : celui des attentats. Tout ceci pour évoquer les raisons que l’on connaît ou que l’on peut supputer.
Et les raisons cachées…
Et puis il y a sans doute des raisons bien cachées, celles de promoteurs qui pourraient gagner bien plus d’argent en disposant de cet espace situé dans le quartier disposant du plus grand nombre de chambres à Bruxelles. Celles peut-être de certains vices de constructions qui, avec le temps, présentent un danger. Mais ces raisons-là, il faudra encore attendre un peu avant qu’elles arrivent à la surface.
En attendant, souhaitons que malgré ce moment très défavorable, le personnel puisse retrouver rapidement du travail. Et pour cela, il faudra redynamiser toute la ville, la rendre à nouveau attractive, faire revenir les gens : ceux qui viennent de loin, et pas que les résidents Bruxellois qui rêvent à leur piétonnier de bisounours. Et ce n’est pas en fermant nos représentations à l’étranger qu’on va y arriver.