Après Evora (Portugal) l’an dernier, la deuxième édition du forum international A World For Tourism (#AWFT2022) se tient à Nîmes, dans le sud de la France, les 27 et 28 octobre prochains. Son secrétaire général (et VP Strategy d’Eventiz Media Group, l’organisateur de l’événement et éditeur de Pagtour), Christian Delom, revient pour nous sur les enjeux de cet événement international également qualifié de “Davos du tourisme”. Le Musée de la Romanité et le Novotel Atria accueilleront conférences, tables-rondes et débats autour de la co-construction du monde du tourisme et des voyages de demain, de l’impact social et économique des mutations en cours, des moyens de relayer et soutenir des démarches de transformation durable du secteur.
Pagtour : A World for Travel va encore marquer les esprits cette année, avec la présence de près de 400 participants à Nîmes, des ministres du tourisme de nombreux pays, des décideurs de l’industrie, une soixantaine de médias (BBC, CBS news, Radio France, Le Monde, Al Jazeera…). Sur le fond, comment s’inscrit l’édition de 2022 par rapport à celle de l’an dernier ?
Christian Delom : L’année dernière, nous nous étions d’abord préoccupés de “ce qu’il faut faire” et “pourquoi il faut le faire”. Cette année, nous allons plutôt traiter du “comment on le fait et à quel prix”. Avec de nombreuses études de cas à la clé.
Le climat était, bien sûr, au coeur de nombreux débats l’an dernier, en résonnance avec la COP26. Cette année, le sujet est certes toujours d’actualité, d’autant que la prise de conscience a été plus tardive dans le tourisme que dans d’autres secteurs. Le Covid nous a mis aussi face à nos responsabilités, a accéléré certains éléments de prise de conscience. Mais la pandémie a compliqué dans le même temps la situation en endettant des entreprises qui doivent financer leurs efforts de décarbonation. L’urgence est là mais les solutions sont difficiles à se mettre en place. Se posent des questions de financements et les nécessaires changements de modèles économiques.
Cette année, nous allons davantage mettre l’accent sur deux sujets : l’impact humain et l’impact économique. Le premier a trait à trois groupes sociaux, les employés, les communautés et les consommateurs. Pour les employés, nous avons une vision post-covid, liée au fait qu’ils rechignent à revenir travailler dans ce secteur, pour des raisons salariales, de conditions de travail mais aussi de sens. Et il s’agit dès lors de se pencher plus en profondeur sur la recherche de solutions.
Le deuxième groupe, sur lequel nous nous sommes déjà penchés l’an dernier, est celui des communautés. Les gens réagissent souvent mal à l’afflux de visiteurs sur leur territoire. Leur démarche peut être identitaire mais aussi économique, quand on voit par exemple les loyers s’envoler. Ces craintes peuvent même prendre une dimension existentielle. Globalement, on peut dire que les habitants sont favorables aux activités sur leur territoire, à condition toutefois qu’elles rapportent quand même un peu. Un autre volet est la dimension citoyenne : les gens souhaitent avoir leur mot à dire, être informés et partie prenante des décisions.
Le troisième groupe c’est le consommateur. Le voyage implique toute une chaine humaine en contact avec lui, des gens qui peuvent l’amener à consommer différemment. Il s’agit également d’appréhender le développement économique, et de l’associer au développement durable. Ces changements interrogent sur notre modèle économique. Celui-ci, depuis des décennies, est basé sur cette logique : une diminution des coûts, une baisse des prix, une réduction des marges unitaires et une augmentation des volumes. Mais les prix sont loin de baisser tout le temps, surtout en période de forte demande, du fait du yield management.
Comment dès lors favoriser un tourisme plus durable ?
L’enjeu c’est un meilleur étalement de l’activité touristique dans l’espace et dans le temps. Aujourd’hui le système est basé sur la concentration, avec notamment une offre aérienne plus dense à certaines périodes de l’année. Or, le tourisme ne doit pas se limiter aux quelques spots dont on parle tout le temps. Il doit pouvoir s’exprimer au niveau du territoire.
La communication des acteurs du tourisme, qui contribue au sur-tourisme, doit par ailleurs promouvoir d’autres lieux moins visités, inviter à vivre des expériences nouvelles. Cela permettrait en même temps de réchauffer les lits des hébergements touristiques qui sont froids aujourd’hui sept ou huit mois dans l’année. Il faut favoriser les voyages en dehors des vacances scolaires. La population vieillit, elle a plus de temps pour voyager hors saison.
Faut-il mettre la pression sur les compagnies low-costs pour qu’elles ouvrent de nouvelles routes, qu’elles volent davantage sur les ailes de saison ?
Je suis partagé. On peut reconnaitre leur apport positif lorsqu’elles font du point à point sur des destinations secondaires. Mais les compagnies favorisent clairement un effet de concentration phénoménal, jamais connu auparavant dans le transport aérien. C’est un vrai sujet. Les compagnies doivent dans le même temps verdir leur activité et renouveller leurs flottes. Or, l’affaissement du marché affaires déstabilise le système des prix dans l’aérien, un mix tarifaire qui jouait auparavant en faveur du loisir. Le renchérissement du prix du carburant a également un impact sur les capacités d’investissement.
Le tourisme et le voyage ont également la nécessité de rétablir leurs marges par le biais de gains de productivité. Mais le secteur doit lui aussi opérer une transformation durable qui pousse à l’adoption de modèles plus vertueux. Sur ce dernier point, on peut par exemple penser que le nombre de nuitées présente plus d’avantages pour le secteur touristique que le nombre de voyages.
Comment pousser les opérateurs dans ce sens. Plutôt l’incitation ou la coercition ?
Les entreprises sont dans l’incitation et les Etats dans un rôle de régulation. On voit l’importance de l’action publique avec le train favorisé par rapport à l’avion sur les trajets de moins de 2h30. Encore faut-il que les compagnies ferroviaires jouent le jeu et n’en profitent pas pour augmenter fortement leurs tarifs…
Bon à savoir
. Les intervenants du AWFT seront au nombre de 90, dont la ministre déléguée au Tourisme Olivia Grégoire, la présidente de la région Occitanie Carole Delga, une dizaine de ministres du tourisme étrangers (Portugal, Grèce, Egypte, Jamaïque, Tunisie, Moldavie…), des personnalités connues de l’industrie dont Brune Poirson d’Accor, Alain Krakovitch de la SNCF, Franck Gervais de Pierre & Vacances ou Alexis Gardy de Belambra.
. Tous les événements seront retransmis en live-streaming et accessibles en replay.
. Le programme est en ligne sur le site aworlfortravel.org.
. Il reste encore quelques jours pour profiter des conditions « Early booking »
Le choix de Nîmes pour AWFT
Le forum va se tenir pendant deux jours dans la cité gardoise. Cette ville de taille moyenne mais dotée d’un patrimoine romain exceptionnel, manifeste de vrais ambitions dans le tourisme et le MICE. En témoignent l’ouverture à l’horizon 2024 de deux hôtels 4 et 5 étoiles à proximité du récent Musée de la Romanité, de même qu’un Palais des Congrès qui sera doté d’une salle plénière de 700 places. Nîmes dispose de deux autres atouts, sa situation géographique et sa facilité d’accès, notamment en train. AWFT y installe ses quartiers et s’y déroulera tous les deux ans, en alternance avec une ville des Etats-Unis, d’Afrique et d’Asie.