« Pourquoi on ne peut vraiment pas se permettre de faire peur aux multinationales »

Agoria estime que 4.000 à 5.000 postes se trouvent dans une situation délicate au sein de l’industrie wallonne ont révélé il y a peu mes confrères de L’Écho. En réalité, une cinquantaine d’entreprises wallonnes, souvent des PME, présentent des vulnérabilités similaires à celles de Caterpillar, selon la fédération de l’industrie technologique.

Ces vulnérabilités sont hélas ! simples à identifier: le problème de Caterpillar, c’est que l’entreprise n’est qu’une unité d’assemblage, sans politique de recherche et développement, et sans politique commerciale. Donc, pour la direction américaine, l’usine de Gosselies n’était qu’une « variable d’ajustement » facile à supprimer. Sur cette base-là, les estimations d’Agoria montrent que près de 5.000 emplois se trouvent aujourd’hui dans une entreprise aux caractéristiques similaires, c’est-à-dire fragile par définition.

En fait, l’intérêt de ce genre d’étude est de montrer que seule l’entreprise est capable de créer de l’emploi, que seule l’entreprise est facteur de création de richesse, mais qu’une entreprise reste fragile… Elle peut naître, elle peut grandir, elle peut se développer à l’international, mais elle peut aussi mourir.

La question est, sachant cela, peut-on se permettre de menacer une entreprise de réquisition comme beaucoup de politiques viennent de le faire pour Caterpillar ? Sous le coup de la colère ou de l’émotion, c’est compréhensible. Même le MR ne s’en est pas privé, histoire de montrer que les partis de gauche n’avaient pas le monopole de l’émotion… Comme Giscard avait dit un jour à Mitterrand qu’il n’avait pas le monopole du coeur. Mais peut-on se permettre de faire peur aux multinationales qui guettent et scrutent les propos de nos dirigeants pour voir si notre pays est accueillant ou pas ? La réponse est hélas ! non: en Wallonie, le dernier dossier du CRISP sur le sujet montre qu’un tiers de l’emploi dépend des entreprises à capitaux étrangers, et que 50% de l’activité dépend également de ces mêmes groupes.

« Les emplois qui partent, aujourd’hui ou demain, sont aussi le fruit de notre incapacité politique à retenir sur notre sol des centres de décision »

Le drame, c’est qu’à côté de ce triste constat sur l’industrie, le citoyen découvre que la finance – donc les services – est également sous pression. On l’a vu avec la suppression de 600 postes chez AXA, on vient de le voir avec l’assureur P&V qui supprime 300 postes de manière étalée dans le temps. Et j’ai bien peur qu’une autre très grande institution financière belge n’annonce dans les prochains jours une vague de licenciement…

Plus que jamais, Charles Michel, notre Premier ministre, aura raison d’insister sur l’urgence de créer des emplois: « jobs, jobs, jobs », a-t-il coutume de dire à ses interlocuteurs, et à raison. Mais que peut-il faire ou que pouvons-nous faire quand les centres de décision sont à l’étranger ? N’oublions pas qu’AXA Belgique s’appelait Royale Belge, il y a quelques années encore.

Et n’oublions pas que nos deux plus grandes banques sont dirigées de l’étranger à Paris ou Amsterdam. Les emplois qui partent, aujourd’hui ou demain, sont aussi le fruit de notre incapacité politique à retenir sur notre sol des centres de décision. C’est triste d’avoir de la mémoire, mais entre romanichels, on ne se raconte pas des histoires.

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