Pourquoi les nouveaux avions sont livrés au compte-gouttes

Airbus et Boeing sont tous deux fortement affectés par les problèmes de leurs motoristes. Les raisons ne sont pas politiques, mais bien techniques.

La faute aux motoristes

Lors de la dernière assemblée générale de l’IATA à Sydney, le patron d’Airbus (division commerciale), Guillaume Faury, a bien dû reconnaître que le constructeur européen vit des moments difficiles.

Il a même parlé de « crise industrielle », laquelle survient peu après la précédente, qui portait sur les deux ans de retard pris par le programme A-380 au milieu de la décennie 2000, et jusqu’à l’annonce d’un arrêt possible de la production de ce merveilleux appareil.

Cette nouvelle crise survient du fait des motoristes, et Airbus n’en est pas la cause mais la victime.

Tout ça pour les ETOPS…

Il faut savoir qu’il y a 4 grands fabricants de moteurs d’avions dans le monde : le français Safran (ex=Snecma), le britannique Rolls-Royce, et les américains General Electric et Pratt & Withney. Mais pour le développement des gros moteurs de ces 40 dernières années, Safran et GE ont constitué une joint-venture appelée CFM.

Il reste donc 3 acteurs, qui produisent le CFM Leap 1A, le P&W 1100G, et le RR Trent 1000. Ce sont ces moteurs qui propulsent la plupart des avions récents, entre autres les ETOPS, ou Extended-range Twin-engine Operations, tels que les B787 et les A350.

100 planeurs sur le tarmac

Chez Airbus, la nouvelle famille des « neo » avait été annoncée comme représentant un énorme avantage sur Boeing, qui en est toujours à se demander s’il va produire son fameux MOM, « Middle of the Market », un avion plus gros que le B737 arrivé au maximum de son développement, mais moins gros et moins cher que le B787.

Airbus donc a misé beaucoup sur les A320neo et A321neo. Il prévoyait d’en livrer 512 cette année, 221 équipés de moteurs PW 1100G, et 291 avec le moteur CFM Leaf1A. Mais voilà, alors qu’Airbus continuait à produire ses avions, les motoristes ne livraient plus, et le groupe européen se retrouve aujourd’hui avec 100 avions parqués sur les tarmacs de Toulouse ou d’Hambourg depuis plusieurs mois.

Guerre commerciale ? Pas vraiment…

Certains ont avancé l’hypothèse d’une guerre larvée entre Américains et Européens, mais c’est vraiment trop simpliste d’introduire des raisons politiques dans ce débat ; les intérêts des deux continents sont trop imbriqués les uns dans les autres pour que ce soit le cas.

Non, il s’agit uniquement de problèmes techniques chez les uns et les autres, par exemple des fractures d’ailettes de compresseurs dues aux vibrations du rotor, et aussi des problèmes de refroidissement qui affectaient fortement la remise en route des réacteurs après un arrêt des moteurs, et qui allongeaient considérablement le temps entre deux mises en opération.

L’argent ne rentre plus

Cette non livraison des avions d’Airbus a un impact financier gigantesque : le cash-flow du seul premier trimestre de 2018 présente un solde négatif de 4,5 milliards de dollars, puisque ces invendus n’ont évidemment pas été payés (sauf acomptes) par les clients.

Il semble que la situation revienne lentement à la normale, les motoristes ayant semble-t-il résolu la quasi-totalité des problèmes. Mais il faudra rattraper le temps perdu, et atteindre l’objectif des 800 avions à livrer dans le courant de cette année.

Et chez le concurrent ?

Boeing aussi a ses problème « moteurs », cette fois avec le RR Trent 1000, victime lui aussi de fractures d’ailettes des turbines. Le nombre de B787 cloués au sol à ce jour atteint les 35 à 50 appareils, soit 25% du nombre total en service. Chez LATAM, par exemple, sur 24 B787 à disposition, 12 sont au sol.

On voit bien que ces problèmes n’ont rien à voir avec la guerre commerciale que se livrent les deux grands constructeurs, il n’y a pas de nationalisme mal placé ici. La meilleure preuve, c’est que l’américain Boeing vient de constituer une nouvelle société en partenariat avec le français Safran, pour produire ses propres APU, en concurrence avec Honeywell et P&W qui jusqu’ici avaient le monopole chez l’avionneur US.

Quand y en APU, y a encore

Les APU sont des « auxiliary power unit », ces petites turbines indépendantes qui tournent tout à l’arrière de l’appareil pour fournir notamment l’électricité pendant que l’avion est au sol de même que l’énergie nécessaire au démarrage des moteurs. Le premier APU est apparu sur le B727 dans les années ’60 ! Ça ne nous rajeunit pas…

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