Donald Trump, le passager clandestin de la géopolitique mondiale

Donald Trump est-il un bon négociateur ? Selon ses électeurs, la réponse est un « oui » massif. Ils l’ont même choisi sur ce critère, car ils voulaient un négociateur au sein de la Maison-Blanche et non pas un professionnel de la politique.

Quant au principal concerné, il ne doit pas se faire violence pour clamer qu’il est le meilleur « dealmaker » de l’histoire de l’humanité. D’ailleurs, n’a-t-il pas rédigé un livre intitulé « The art of the deal », véritable succès de librairie en 1987 ? Et sauf surprise de dernier instant, ce 12 juin, il aura prouvé au monde entier qu’il est le seul président américain à avoir fait asseoir autour de la table de négociation le jeune dictateur nord-coréen.

Quant aux Européens, il vient encore de leur montrer sa puissance en imposant des droits de douane sur l’acier et l’aluminium ce 1er juin et en claquant la porte du G7. Et comme si cela ne suffisait pas, son administration menace d’imposer de très fortes amendes aux sociétés européennes susceptibles de commercer avec l’Iran.

Là aussi, c’est un comble : ce sont les Etats-Unis qui sortent de cet accord, mais c’est aux autres pays alliés de payer les pots cassés. Mais si Donald Trump bande ses muscles et parle fort, son « art de la négociation » risque d’abord de se retourner contre ses électeurs. L’Europe a par exemple déjà annoncé qu’en représailles, elle ciblerait des produits emblématiques (blue-jeans, Harley-Davidson, bourbon) issus des États américains du Middle-West et du Sud. Autant de régions qui ont voté comme par hasard pour Donald Trump.

Le Canada ne se laisse pas faire non plus. Le résultat ? L’industrie automobile américaine consommatrice d’acier et d’aluminium sera la victime collatérale de ce bras de fer commercial. En ce qui concerne le mur que les Mexicains devaient payer, l’électeur américain attend toujours de voir le premier peso.

« Mais si Donald Trump parle fort, son « art de la négociation » risque d’abord de se retourner contre ses électeurs »

Quant à la rencontre historique de ce 12 juin avec le guide suprême de la Corée du Nord, c’est loin d’être le deal du siècle. N’en déplaise à ses admirateurs, le prix Nobel de la paix n’est pas encore aux mains du président américain. D’abord, en raison de la maladresse (ou provocation) de ses adjoints qui n’ont rien trouvé de mieux que d’évoquer l’exemple libyen.

Or, justement, le jeune dictateur nord-coréen sait que s’il est accueilli en grandes pompes à Singapour, c’est justement parce qu’il dispose de l’arme nucléaire ! D’ailleurs, comment imaginer que le régime nord-coréen lâche rapidement son assurance-vie politique et physique ? Peut-on imaginer que le régime dictatorial nord-coréen abandonne en peu de temps, un récit national constitué de brimades et d’humiliations ? Comment imaginer que ce régime sanguinaire abandonne son récit de citadelle assiégée par les forces obscures américaines, sans perdre la face et le pouvoir ?

La dynastie au pouvoir sait aussi qu’une « normalisation » des relations bilatérales trop rapide sonnerait sa mort. Donald Trump n’a donc mathématiquement aucune chance d’arriver à un accord rapidement. La raison ? En déchirant l’accord sur le nucléaire iranien signé par Obama après 12 ans d’âpres négociations, Donald Trump a aussi démontré à son jeune interlocuteur (34 ans) qu’un accord international n’avait pour lui aucune valeur. La seule certitude à ce stade, c’est que leader nord-coréen a remporté une victoire symbolique.

Sa propagande nationale fera tourner en boucle la poignée de main et les clichés « entre puissances égales ». Kim Jong-Un pourra ainsi consolider encore plus son pouvoir interne et son aura sur la scène nationale et internationale. De son côté, faute d’être le roi des « deals » qu’il proclame être, Donald Trump aura surtout démontré qu’il sait comment les défaire. N’est-ce pas lui qui a sorti son pays de l’accord sur le climat ? N’est-ce pas encore lui qui a sorti les États-Unis de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien ?

En réalité, Donald Trump est irresponsable. Les affaires publiques n’obéissent pas aux mêmes règles que le privé. Lorsqu’un deal privé échoue, ce sont ses auteurs qui en paient le prix. Lorsqu’un deal public échoue, ce sont les autres (citoyens) qui en paient le prix (streamer). Donald Trump est le passager clandestin de la géopolitique mondiale.

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