Bruxelles : Quand piétonnier rime avec écrasé

©jour-de-fete.be

On ne dira jamais assez les ravages que cause le piétonnier du centre de Bruxelles… D’abord, au niveau de la circulation des véhicules, définitivement détournée vers des quartiers improbables. De tous les désagréments, ensuite — et c’est le moins qu’on puisse dire —, conséquences de chantiers interminables, et d’autant plus interminables quand il faut refaire entièrement un pavement placé à l’envers…

Enfin, et c’est ce qui nous importe ici, auprès des riverains et des commerçants. Une place de Brouckère inaccessible pendant des mois, sauf à être chaussé de bottes, pour se rendre à l’hôtel Métropole ou au cinéma d’en face. Sans parler des clochards et des petits dealers, des détritus de toute sorte, et on en passe… Elle est belle, l’image que donne Bruxelles aux touristes aujourd’hui !

On exagère ? Voici le témoignage effrayant que nous avons reçu d’une des « victimes » d’une administration bornée, inefficace et incompétente… Nous vous la publions ci-dessous en intégralité. Nous y avons aussi rajouté notre commentaire à la fin :

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Bonjour, je m’appelle Virginie Monu. Il y a 7 ans, j’étais salariée : je pouvais vivre dignement. Aujourd’hui, je suis indépendante, je crée de l’emploi, et je vis sous le seuil de pauvreté.

Je n’ai pas grandi dans les beaux quartiers et je n’ai toujours pu compter que sur moi-même pour m’en sortir, avec l’idée que l’effort dans le travail finit toujours par payer. Un diplôme artistique en poche, une formation de chef cuisinier et 16 ans de travail dans l’horeca : j’avais toutes les cartes en main pour lancer le projet dont je rêvais, un resto et salle de fêtes au cœur de Bruxelles.

N’ayant qu’un maigre capital de départ et de l’énergie à revendre, j’ai été ravie de constater qu’il existait pléthore d’aides à ma disposition : aide à la recherche de lieu, à la création des plans financiers, prime de start-up, aide au développement durable, crédit social, etc. Tout est donc mis en place pour encourager ceux qui voudraient se lancer dans une activité indépendante.

En 2012, « Jour de Fête » est né

C’était le seul restaurant du centre-ville proposant à la fois une cuisine de qualité et une salle de fêtes à prix démocratique. Le succès est très vite au rendez-vous. J’engage un deuxième employé à temps plein pour pouvoir assurer les services. Animée par le souci de travailler dans le respect de la législation, je suis contrainte de me verser un salaire moindre… qu’un revenu d’intégration sociale ! En attendant, je travaille jusqu’à 100 heures par semaine. Je gagne moins de 3 € de l’heure. Heureusement, il en faut beaucoup pour venir à bout de ma détermination.

C’était sans compter sur les aléas de la conjoncture. En novembre 2015, les attentats de Paris entraînent une nette baisse de fréquentation du centre-ville. Les attentats de Bruxelles provoquent sa désertion pendant plusieurs mois. Pour pouvoir continuer à payer mes employés, je dois différer le paiement d’autres charges. L’État m’inflige alors des amendes extrêmement élevées pour retard de paiement. Le jeu classique de l’endettement s’installe.

Depuis 2 ans, je me heurte continuellement à une administration inflexible, froide, mécanique. A mes heures de travail s’ajoutent des heures à naviguer entre des services qui ne communiquent pas entre eux. Pourtant, je continue d’y croire. Je viens de loin, ce rêve devenu réalité ne peut pas s’évaporer à cause de deux ou trois obstacles, aussi hauts soient-ils.

Nouveau coup du sort, depuis juin 2015, le boulevard Anspach est interdit à la circulation. On nous avait promis deux ans de travaux. On a eu trois ans de rien. Le boulevard dépérit. Le coup de massue m’est asséné fin avril 2018, lorsque les travaux du piétonnier commencent enfin. Il m’est interdit d’exploiter ma terrasse et ce… à la veille de l’été ! Depuis quatre mois, je perds 70% de mon chiffre d’affaires.

Aujourd’hui, «Jour de Fête » est menacé de faillite

Je n’étais pas seule à applaudir le projet de piétonnier, mais aucun d’entre nous n’imaginait que nous devrions en assumer personnellement la mauvaise gestion… La date de la fin des travaux demeure pour nous un point d’interrogation. Or chaque mois est un nouveau combat et la motivation n’est pas un capital inépuisable !

Ne sommes-nous pas en droit d’attendre de l’État qu’il respecte ses engagements ou, à défaut, qu’il nous soutienne afin que nous ne coulions pas ? Nous ne demandons pas l’aumône, mais une prise de conscience pour faire face à une situation néfaste que nous subissons injustement.

A titre personnel, j’ai interpellé les politiques en leur faisant les propositions suivantes pendant la durée des travaux :

– Un gel des dettes envers l’État ;

– La suspension des amendes de 15% pour tout retard de paiement ;

– La possibilité de contracter un prêt social pour maintenir l’entreprise à flot, à rembourser une fois les travaux terminés.

J’espère que ces propositions seront entendues

Au-delà de mon expérience personnelle, c’est de la précarité des petits indépendants dont il est question. Les incohérences du système sont légion, il est impossible de les énumérer ici. La logique ne va en tous cas pas dans le sens de la création d’emplois de qualité, extrêmement difficiles à assumer financièrement.

En outre, le soutien au lancement de petites entreprises fait l’objet, comme je l’ai souligné plus haut, de très nombreuses aides. Je salue ces initiatives, mais dans le même temps je déplore que ces aides n’existent que pour ce qui précède un projet, et non en soutien aux difficultés qui peuvent se présenter une fois celui-ci lancé.

Pour l’avenir de « Jour de Fête », je m’en remets à la solidarité citoyenne : puisque l’État ne prend pas ses responsabilités, je me tourne vers ma fidèle clientèle pour me soutenir en venant déguster des antipasti au son du marteau piqueur !

Je rêverais de tenir le coup, mais si je dois mettre la clef sous le paillasson, ma détermination pourrait partir en fumée et mes employés et moi pourrions être pris dans les filets du chômage. Je bénéficierais alors d’un revenu plus élevé qu’aujourd’hui. Le monde à l’envers.

Jours de fête : 181 Boulevard Anspach 1000 Bruxelles | info@jour-de-fete.be | www.jour-de-fete.be

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Qui veut la mort du petit commerce ?

Un piétonnier, c’est bien… quand c’est pensé. Le problème, dans ce pays de médiocres, c’est que personne ne pense. Là où des êtres normaux auraient d’abord étudié les flux de circulation, les irresponsables politiques n’ont eu de vue qu’à court terme, négligeant que l’axe nord-sud partage en deux une ville dont le plan remonte au Moyen Age, avec ses ruelles tortueuses quasi impraticables, et toutes à sens unique…

Il n’est matériellement plus possible, aujourd’hui, de joindre les gares du Nord et du Midi en voiture. Pire : le parking est totalement aléatoire, à moins de laisser sa voiture dans l’un ou l’autre des souterrains périphériques, généralement complets, et de s’appuyer à pied les kilomètres qui séparent de la boutique ou du restaurant convoité. En évitant les embûches que dressent les différents chantiers — car l’entretien des égouts, des conduites d’eau ou les raccordements électriques doivent aussi se faire.

Les commerçants se plaignent ? La Ville de Bruxelles s’en fiche, la plupart des propriétaires n’y étant pas domiciliés. Rappelons tout de même que l’idée fumeuse de ce piétonnier, ensemencée par les bobos écolos du Conseil communal, a germé dans le cerveau malade d’un bourgmestre qui, entre-temps, a été poussé à la démission par un beau scandale financier. Lui qui rêvait sans doute d’être élu — il ne l’a jamais été — sur la réussite, croyait-il, de « son » piétonnier, il en sera doublement pour ses frais. Car il y a peu de chances que les électeurs bruxellois reconduisent la majorité sortante, lors des élections qui auront lieu dans quelques semaines.

Il faut cependant convenir que Bruxelles n’est pas, hélas ! un cas isolé. Quelques exemples : les places Saint Lambert à Woluwe Saint Lambert, Dumont à Stockel, ou du Miroir à Jette ont subi ces derniers mois des travaux très lourds. Pour les deux dernières, le creusement d’un parking souterrain dont, pour celui de Stockel, on ne sait où se situe l’entrée. Dans ces trois cas — mais il y en a sans doute d’autres — les possibilités, ne fût-ce que de s’arrêter quelques secondes pour déposer une personne âgée ou handicapée, ont été réduites à zéro. Et des poteaux ont été installés tous les deux mètres, afin d’être sûr qu’aucun véhicule ne puisse stationner, même pour approvisionner les boutiques en marchandises, les restaurants en produits frais.

Certes, il ne faut pas laisser l’auto envahir la ville de manière anarchique. Mais était-ce trop demander de se concerter avec tous les intéressés, habitants, commerçants ? Tout se passe comme si on voulait la mort du petit commerce. Exprès. Mais dans quel but ? On a beau retourner la question dans tous les sens, on ne comprend pas… C.B.

 

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